Nicolas Leroy-Fleuriot (Cheops Technology) : « Trop d’entreprises ont localisé leurs données et environnements applicatifs vers des opérateurs américains. »

Publié le 10 décembre 2025

À la tête de Cheops, spécialiste des infrastructures informatiques sécurisées, Nicolas Leroy-Fleuriot pilote une entreprise entrée dans une nouvelle dimension. Le groupe a récemment franchi le seuil des 200 millions d’euros de chiffre d’affaires consolidé, reflet d’une trajectoire de croissance maîtrisée et d’une ambition clairement assumée. Une dynamique qui vaut aujourd’hui à Cheops de figurer parmi Choiseul Conquérants, le palmarès des ETI françaises à la conquête de nouveaux marchés. Rencontre avec un dirigeant engagé.

Quels ont été les étapes clés de votre parcours qui vous ont conduit à fonder Cheops ?

Je suis issu d’une formation en informatique, mais un de mes profs m’a expliqué que j’étais plutôt destiné au monde des affaires. J’ai donc complété ce parcours académique par une école de vente chez un grand constructeur d’informatique américain qui m’a permis d’acquérir une culture business et marketing, puis de démarrer ma carrière en tant qu’ingénieur commercial dans l’informatique. J’avais toutefois l’envie de diriger ma propre société. À 27 ans, j’ai eu l’opportunité de créer la filiale régionale d’un groupe informatique français, que je détenais à 49 %.

Finalement, à 40 ans, j’ai repris une petite structure composée de seize salariés, basée à Nantes : ainsi est né Cheops. Aujourd’hui, l’entreprise installée à Bordeaux compte près de 800 collaborateurs et est implantée sur l’ensemble du territoire français avec douze agences. Nous possédons également une filiale en Suisse et des projets d’implantation en Italie.

Nous sommes devenus un leader dans le domaine du cloud computing souverain, avec un savoir-faire différenciant : exploiter les meilleures technologies du marché au sein de nos cinq datacenters français et trois en Suisse, et en offrant des services jusqu’au maintien des applications en conditions opérationnelles. De quoi faire de nous un partenaire de confiance pour les ETI françaises, nos cibles principales.

En plus de nos services très personnalisés, nous montrons une rigueur extrême pour la souveraineté dans l’exploitation de nos technologies, souvent américaines. En clair : aucune donnée ne sort de France, ce qui assure une réelle souveraineté, sécurité et indépendance technologique.

La cybersécurité est aussi au cœur de votre action ?

C’est un axe stratégique. Nous avons développé CyberPatriot, un dispositif destiné à anticiper et contrer les cyberattaques, aussi bien pour nos clients que pour d’autres structures qui nous sollicitent. La résilience numérique des entreprises françaises est un enjeu crucial et nos offres en cybersécurité viennent compléter notre expertise cloud et infrastructure, ce qui nous donne le moyen de proposer à nos clients une solution complète avec un interlocuteur unique sur le plan du résultat et des enjeux de souveraineté.

Quel regard portez-vous sur l’état de la souveraineté numérique en France ?

Je trouve la situation très préoccupante, voire catastrophique.

Trop d’entreprises, y compris publiques ou stratégiques, ont localisé leurs données et environnements applicatifs vers des opérateurs américains, ce qui entraîne des conséquences massives en termes de confidentialité et de souveraineté : l’espionnage industriel est plus que facilité. De plus, au nom du Cloud Act, les autorités américaines, via leurs 17 agences de renseignement, accèdent à l’ensemble des données hébergées par une entreprise américaine, sans que les clients ne soient nécessairement informés, et ce même si les données sont stockées en dehors des États-Unis. D’où l’existence d’un risque majeur, d’autant que les États-Unis dominent aussi les infrastructures d’intelligence artificielle. Il ne faut pas être naïf : cette vulnérabilité pourra, un jour, être utilisée contre nos intérêts : c’est pour cette raison que la souveraineté numérique se construit avec des acteurs ancrés en France et en Europe.

Cheops s’adresse principalement aux ETI. Quel est votre regard sur cet écosystème ?

Les ETI sont vitales pour l’économie française, le tissu d’ETI est assez exceptionnel, mais leur environnement reste trop contraint. Un dirigeant d’ETI en France, c’est quelqu’un à qui on demande de courir un 110 mètres haies avec des blocs de béton à la place des chaussures adéquates ! On voit aussi des comportements qui mettent en péril le bon fonctionnement des entreprises, comme la facilité qu’ont certains salariés à se mettre en congé maladie longue durée au lieu de démissionner. Les ETI ont besoin de certains allègements de tout ordre, qu’ils soient juridiques ou financiers, afin d’évoluer dans un contexte plus favorable et de poursuivre leur développement.

Vous êtes également reconnu pour vos innovations en matière de bien-être au travail et en faveur d’une réduction de votre empreinte écologique. Concrètement, ça se traduit comment ?

Nous avons lancé en 2018 une politique ambitieuse afin d’assurer à nos collaborateurs les meilleures conditions de travail. Nous avons mis à leur disposition des salles de sieste, de sport, des espaces de jeu, ainsi que le programme Pet at Work, qui autorise la venue au travail avec les animaux de compagnie. Nous sensibilisons également nos équipes au bien-être animal et à la cause environnementale en entretenant des liens étroits avec la Ligue pour la protection des oiseaux, la LPO.

Nous avons investi dans des processeurs de dernière génération, deux fois moins gourmands en énergie. Autre poste majeur : le refroidissement des datacenters. Nous avons adopté une technologie de free cooling – des échangeurs air-eau –, ce qui nous a permis de réduire de 30 % la consommation énergétique.

Enfin, nous avons aussi fait le choix d’une électricité 100 % verte pour l’ensemble de nos infrastructures et travaillons sur l’utilisation d’une nouvelle technologie de stockage beaucoup moins gourmande en consommation, capable de stocker, par exemple, tous les livres de la Bibliothèque nationale de France sur un composant gros comme un timbre-poste…


Nous montrons une rigueur extrême pour la souveraineté dans l’exploitation de nos technologies, souvent américaines. En clair : aucune donnée ne sort de France, ce qui assure une réelle souveraineté, sécurité et indépendance technologique.

Un dirigeant d’ETI en France, c’est quelqu’un à qui on demande de courir un 110 mètres haies avec des blocs de béton à la place des chaussures adéquates !

Nous avons mis à la disposition de nos collaborateurs des salles de sieste, de sport, des espaces de jeu, ainsi que le programme Pet at Work, qui autorise la venue au travail avec les animaux de compagnie.


Comment Cheops se distingue-t-il sur ce marché très concurrentiel ?

Je peux vous citer trois points principaux : nous accordons une attention toute particulière à la veille technologique pour utiliser les meilleures technologies et les adopter au bon moment. Aussi, nous allons très loin dans les possibilités de personnalisation de nos services afin de nous adapter au mieux aux besoins de chacun de nos clients, car c’est ce dont ont besoin les ETI. Enfin, c’est peut-être aussi notre couverture géographique, notre proximité avec les entreprises et les régions, grâce à nos douze agences en France, qui nous distingue, au nom d’une capacité d’écoute très valorisée par nos clients.

Nous voulons que nos collaborateurs repartent du bureau avec le sourire et qu’ils aient envie de revenir le lendemain. Nous allons même adopter deux chats, issus d’un refuge, qui deviendront les mascottes de notre siège social à Bordeaux.

Le bien-être n’est pas un gadget : c’est un vrai levier de fidélisation, d’engagement et de performance.

De plus, ces initiatives fédèrent et donnent du sens : le numérique responsable, c’est aussi intégrer l’impact environnemental dans nos décisions.