Mohamed El Mazzouji (Educ-Up) : « On n’accompagne pas les enfants, on transforme des familles »

Publié le 19 septembre 2025

Ingénieur de formation, enfant d’un quartier populaire du sud de la France, Mohamed El Mazzouji fonde Educ-Up, en 2019 : une structure pionnière dans l’accompagnement éducatif à domicile. Son objectif : lutter contre les inégalités dès la petite enfance, là où elles prennent racine, dans les foyers. Aujourd’hui, à 39 ans, il dirige un groupe de 600 salariés, avec un objectif de près de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires cumulé d’ici fin 2025, et un réseau national de professionnels formés à la parentalité, à la pédagogie et au développement personnel. Le tout sans campagnes d’acquisition mais avec un bouche-à-oreille qui ne cesse de grandir.

Issu d’un environnement modeste où l’école était souvent perçue comme un lieu de décrochage, il raconte avoir été une “erreur statistique” : bon élève malgré les obstacles et grâce à une posture parentale bienveillante. Un décalage qui l’a profondément marqué. Très tôt engagé dans le monde associatif, il lance une première association pour aider les jeunes à “aimer l’école” durant ses études. Il y découvre une vocation pour l’accompagnement éducatif et un engagement profond en faveur d’une éducation plus humaine et bienveillante.

C’est en devenant père qu’il se passionne pour la figure de Maria Montessori : désireux de comprendre les besoins de sa fille et d’endosser pleinement son rôle, il se forme aux neurosciences, à la pédagogie et à la parentalité. En cherchant pour elle un mode de garde capable d’aller bien au-delà de la seule sécurité pour nourrir son développement, il conçoit une idée aussi simple que puissante : “faire entrer une Maria Montessori dans chaque foyer” grâce à un service éducatif à domicile, ancré dans le réel, respectueux des familles et accessible même aux plus modestes. Après plusieurs années d’expérimentation auprès de sa famille et de proches, il quitte son poste d’ingénieur dans le nucléaire pour transformer cette intuition en projet de société. Ainsi est né Domissori, puis l’écosystème Educ-up.

Qu’est-ce qu’un dirigeant engagé, selon vous ? Votre parcours d’entrepreneur vous a-t-il donné une vision différente de l’engagement ?

Pour moi, l’engagement précède l’entrepreneuriat. C’est parce que je voulais m’engager que j’ai entrepris. Mon passé d’ingénieur m’a donné une lecture systémique : on ne peut pas changer l’école sans toucher aussi à la parentalité, à la société, à l’humain. L’engagement est la valeur centrale d’Educ-Up. Il doit être vécu par tous, même par un directeur financier. Chez nous, tout le monde suit les mêmes formations que nos éducateurs, autour du développement de l’enfant, de la relation parentale, de la posture éducative. C’est une expérience personnelle, pas juste professionnelle.

Je crois qu’on ne peut pas dissocier vie pro et vie perso sur ces sujets. Certains collaborateurs ont changé leur façon d’éduquer leurs enfants en rejoignant Educ-Up. L’engagement doit être vécu, pas seulement porté en discours.

De quoi êtes-vous le plus fier dans cette aventure ?

Ce dont je suis le plus fier, ce n’est pas un projet isolé, c’est le projet dans son ensemble. Avoir créé 650 emplois dans un secteur souvent invisible, c’est déjà beaucoup. Mais ce qui me touche vraiment, ce sont les témoignages : les parents qui disent que leur enfant a changé, les éducateurs (souvent des anciens enseignants) qui retrouvent du sens et ont un vrai impact et évidemment, les familles qui nous ouvrent leur porte.

Notre croissance s’est faite uniquement par les relations humaines. Pas de pub, pas de communication tapageuse. À Grenoble ou Perpignan, nous nous sommes implantés sans même y mettre un pied : ce sont des personnes touchées par notre mission qui ont porté le projet localement. Ce qui nous relie, c’est la sincérité, l’envie d’être utile.

Quel conseil donneriez-vous à ceux qui veulent s’engager mais ne savent pas par où commencer ?

Je lui dirais de commencer par s’écouter. L’engagement, le vrai, vient de l’intérieur. Il faut chercher ce qui nous touche, ce qui nous met en mouvement, ce qui nous indigne ou nous émeut. Quand on est aligné avec ça, le reste suit. C’est ce que j’essaie de transmettre à nos équipes — et même aux parents que nous accompagnons.

Chez Educ-Up, on ne parle pas de clients. On parle de bénéficiaires. On attend d’eux qu’ils s’impliquent aussi. On est là pour allumer la mèche, pas pour faire à leur place. Un éducateur, s’il est exemplaire, va susciter une transformation dans le foyer. Pas par le jugement, mais par l’inspiration.

Pour retrouver le palmarès Les 40 leaders qui s’engagent en 2025, réalisé par l’Institut Choiseul et Communauté Les Entreprises s’engagent, rendez-vous sur le site de l’Institut Choiseul.