Comité RSE : rouage essentiel de l’entreprise de demain ! Entretien avec Corinne Fernandez, associée de Progress Associés

Publié le 15 mars 2021
Corinne Fernandez

Associée dans le cabinet Progress Associés, en charge des practices industrie et technologie, Corinne Fernandez a fait partie, il y a 4 ans, en tant qu’administratrice indépendante, de l’équipe en charge de créer un comité Responsabilité Sociale des Entreprises du groupe de jeux vidéo Ubisoft.

Associée au sein du cabinet Progress Associés, en charge des practices industrie et technologie, Corinne Fernandez Handelsman (HEC, 1984) s’est vu proposer il y a 4 ans, de participer à la création du comité RSE (Responsabilité Sociale de l’Entreprise) de la société Ubisoft dont elle était administratrice indépendante. Ce géant des jeux vidéo, implanté en Amérique du Nord, en Europe et en Chine, possède un actionnariat varié et international (fondateurs, salariés, institutionnels, fonds de pension, groupes industriels…). «Ma compétence initiale était la gestion des talents », raconte-t-elle aujourd’hui soulignant sa réaction de plaisir mêlé de perplexité face à l’ampleur du sujet lorsqu’on lui a proposé ce challenge.

Un domaine très large à appréhender

La RSE couvrant l’ensemble des domaines de l’entreprise, par où et comment l’appréhender ? Heureusement, l’entreprise avait déjà «incubé » une équipe compétente sur le sujet qui avait défini le périmètre d’action, analyser la réglementation et l’état de l’art en Europe et en Amérique du Nord et élaborer un état des lieux dans le groupe. «Ce travail avait abouti à l’élaboration d’une stratégie sous la direction du PDG du groupe, par ailleurs profondément convaincu de l’intérêt de la démarche car cette dernière s’inscrivait de manière cohérente avec la culture de l’entreprise » souligne Corinne Fernandez Handelsman qui rappelle que la conjoncture était alors favorable à la création de ce comité puisque l’industrie du jeu était alors impactée par des problématiques RSE et que les concurrents d’Ubisoft ne possédait pas une telle instance.

D’emblée, l’équipe dédiée a structuré le champ d’action et la stratégie autour de quatre thèmes : les clients, les salariés, les communautés et la planète (environnement). «Avec le recul, cette segmentation s’est révélée pertinente car elle englobe tous les domaines. Robuste, elle a prouvé sa résistance aussi bien par rapport au temps qu’aux aléas », résume Corinne Fernandez Handelsman qui souligne que le comité, dans le cadre de la définition de sa stratégie, s’est appuyé sur ce qu’elle appelle une « matrice de matérialité » en phase avec les parties prenantes (médecins, usagers, éducateurs, enseignants) autour des sujets structurants du jeu vidéo :  protection des joueurs (notamment mineurs), des données personnelles, accès au paiement, cyber harcèlement… S’agissant des clients, le groupe a, par exemple, étendu au monde, la protection européenne des données (RGPD) et a pris pour référence le Children’s Online Privacy Protection Act (COPPA) américain afin de protéger les mineurs.  Au niveau des salariés, le groupe a poursuivi les enquêtes de satisfaction et mis l’accent sur l’égalité des rémunérations entre hommes et femmes. Concernant les communautés (associations, …), le comité RSE a participé à des actions vis-à-vis des écoles et de la formation à la technologie.

Enfin, au niveau des actions à mener vis-à-vis de la planète, l’entreprise a décidé d’utiliser des énergies renouvelables pour ses centres serveurs, a hiérarchisé les causes d’impact carbone et a sensibilisé l’ensemble de l’entreprise à l’impact des voyages sur le climat. « L’entreprise était déjà sensibilisée aux émissions de carbone, mais cela n’apparaissait pas en tête de liste de ses préoccupations jusqu’à présent. Or, notre industrie utilise des consoles, des serveurs et cet enjeu est particulièrement important » souligne Corinne Fernandez Handelsman.

Dans un souci de créer une dynamique favorable et pérenne autour de la démarche, un critère RSE a été introduit dans la rémunération variable du PDG d’Ubisoft au côté de critères liés à l’EBITDA ou au cours de l’action. «Ce critère a eu pour conséquence la mise en place des indicateurs clés de performance associés pour pouvoir suivre le degré d’atteinte des objectifs, rappelle l’administratrice. Cette action a eu un impact direct sur la façon de produire, de mesurer la satisfaction des clients ou des salariés à court et à moyen terme ». Selon Corinne Fernandez, sur la foi de son expérience, parmi les facteurs clés de succès de la création d’un comité RSE figure incontestablement la nécessité de sa diversité, aussi bien sur un plan géographique, de cultures mais aussi de métiers. «Cette diversité permet d’écouter les signaux faibles.

Quels objectifs se fixer ?

Par ailleurs, disposer d’un ou plusieurs salariés au sein du comité apporte une réelle richesse à la fois pour recueillir le point de vue des collaborateurs mais aussi sur le business », souligne-t-elle.  Autre élément décisif à sa réussite, la nécessité pour le comité RSE de fixer des objectifs qui soient à la fois ambitieux et réalistes, c’est-à-dire mesurables et acceptables par l’entreprise. «Le comité doit impérativement se tenir informé des évolutions de la société au niveau mondial et anticiper les risques, les changements de l’opinion publique et réaliser un effort de pédagogie s’il détecte des sujets potentiellement importants ou critiques » note Corinne Fernandez Handelsman. Autre élément important dans la démarche : veiller à assurer une cohérence « réelle » et « profonde» entre les valeurs affichées par l’entreprise et celles qu’elle pratique dans ses rapports avec ses salariés, ses clients et son environnement. «Certes, les valeurs sont relatives aux cultures et aux pays mais un tronc commun doit être partagé et incarné », croit-elle.

Enfin, le comité RSE doit impérativement travailler en synergie avec les autres comités (nominations, rémunérations, audit, risque… )« Ce travail transverse entre les comités avant la tenue des conseils d’administration est indispensable. Il faut l’organiser sachant que le planning des comités et des conseils est dense et particulièrement contraint. Lorsque le comité RSE présente ses préconisations en conseil d’administration, il les a déjà testées auprès des autres comités concernés. Cela permet d’en préparer l’argumentaire et la pédagogie ». Parmi les chantiers à gérer pour le comité RSE figure la nécessité de la féminisation des effectifs du groupe qui ne s’élève qu’à 22%. «Un comité RSE doit se fixer des objectifs de moyen terme. Il est difficile de précipiter les changements dans une entreprise. Le top management et les salariés d’Ubisoft, notamment, la jeune génération, sont particulièrement impliqués pour faire remonter des thématiques autour de la diversité, de la lutte contre le harcèlement et en faveur de la transition climatique »

 

A propos de Progress Associés
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