Ce 18 décembre, l’annonce de la validation par Washington d’une vente d’armes à Taïwan, d’une valeur de plus de 11 milliards de dollars, a ravivé les tensions opposant Pékin à Taipei et ses alliés.
La Chine s’est empressée de répondre à cette annonce, appelant les États-Unis à annuler cette vente, preuve de l’importance stratégique de Taïwan, et des rivalités entre puissances qu’elle cristallise, et qui parfois la dépassent.
Les motivations de la Chine
Taïwan est effectivement un maillon de la stratégie des chaînes d’îles, utilisée par les États-Unis pour « enfermer » militairement la Chine. Concrètement, la façade océanique chinoise est entourée d’alliés américains, dont le Japon, la Corée du Sud, Taiwan et les Philippines constituent le premier rideau.
Pékin entend donc pallier cette vulnérabilité, exacerbée par la part considérable des exportations de marchandises nationales dans le PIB chinois – 19% [1] – contraintes de transiter à quelques centaines de kilomètres de l’un des alliés du rival américain dans le Pacifique.
La conquête de Taïwan permettrait donc d’accaparer un territoire économiquement et industriellement développé d’une part, et de se soulager d’un poids géostratégique important d’autre part.
Les atouts de Taïwan
Toutefois, Taïwan dispose d’un bouclier non seulement militaire mais également économique, connu sous le nom de Silicon shield – bouclier de silicium en français. Ce terme fait référence à la place prépondérante de l’île dans la production mondiale de semi-conducteurs, composants essentiels des outils électroniques.
Ainsi, le risque d’un bouleversement de l’économie mondiale, lié à l’arrêt de la production de semi-conducteurs en cas d’invasion pourrait, s’il ne dissuade pas la Chine – elle-même dépendante de l’industrie taiwanaise – inciter à une intervention étrangère, notamment de la part des États-Unis.
L’effritement progressif du silicon shield taïwanais
Cette dépendance vis-à-vis de Taïwan pousse toutefois les États-Unis et l’Union Européenne à renforcer leur résilience et leur souveraineté, menant des politiques destinées à encourager l’implantation de producteurs de puces sur leur sol.
TSMC, le plus important d’entre eux, investit déjà des dizaines de milliards de dollars aux États-Unis, et a ouvert une usine en Arizona en 2024. L’ouverture de deux autres usines a déjà été annoncée.
L’Europe s’est également emparée du sujet. Entré en vigueur en 2023, le Chips Act est un règlement visant notamment à renforcer la souveraineté et la compétitivité européennes en matière de semi-conducteurs. Plusieurs ouvertures d’usines importantes ont eu lieu sur le sol européen, bien que dans une mesure encore insuffisante pour assurer une véritable résilience. Alors que le retard à rattraper est déjà important, le secteur est en pleine croissance, et devrait passer de 90 milliards d’euros en 2022 à 149 milliards en 2030, au sein de l’UE, porté par l’essor de l’IA et des technologies [2].
Au-delà de la production, il est également capital de faire émerger des champions français et européens du secteur. Pour l’instant, aucun fabricant européen ne se place dans le top 10, mais l’allemand Infineon et le franco-italien STMicroelectronics s’en approchent et connaissent une croissance soutenue.
Quoi qu’il en soit, bien que bénéfiques pour les économies et sociétés occidentales, ces politiques érodent le silicon shield taïwanais, un bouclier si précieux pour un territoire si menacé.
[1]: World Bank Open Data. (2025). World Bank Open Data. [online] Available at: https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/TX.VAL.MRCH.CD.WT?locations=CN [Accessed 18 Dec. 2025].
[2]: Consilium. (2019). Le secteur européen des semi-conducteurs. [online] Available at: https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/eu-chips-industry/
[Accessed 23 Dec. 2025].




