Souveraineté numérique : l’Europe ne peut plus attendre

Publié le 22 décembre 2025

Alors que se tiendra bientôt le sommet franco-allemand sur la souveraineté numérique européenne, l’Europe est à la croisée des chemins : reculer devant la dépendance technologique ou construire une véritable souveraineté numérique. Or, au-delà des effets d’annonce, nous manquons trop souvent de cohérence dans nos choix stratégiques, quand en Chine ou aux Etats-Unis, les dirigeants politiques soutiennent ouvertement leurs champions technologiques.

La souveraineté numérique exige que nous reprenions le contrôle de l’essentiel — les données, les infrastructures, les technologies — sans pour autant tomber dans le repli ou le protectionnisme stérile. Chaque année, ce sont plus de 250 milliards d’euros qui quittent l’Europe pour les géants américains du cloud et des plateformes, c’est plus de 80% de l’ensemble des dépenses liées aux logiciels et services cloud des entreprises européennes auprès des entreprises américaines. Une telle fuite fragilise notre autonomie stratégique et empêche nos propres entreprises de devenir compétitives.

La confiance numérique garantit la sécurité et la fiabilité des échanges, et constitue un socle pour l’économie européenne. Mais elle ne suffit pas : elle ne nous protège pas contre les lois extraterritoriales américaines ou les décisions unilatérales des grandes plateformes étrangères. Aussi, le modèle européen doit conjuguer une régulation forte et la construction de champions industriels. Le DMA ou le DSA représentent bien notre empressement à réguler ce secteur, mais ils doivent s’accompagner d’une montée en puissance des capacités technologiques souveraines.

L’Europe doit cesser d’être un simple « consommateur » de technologies venues d’ailleurs. Elle doit devenir un concepteur et un fournisseur, en bâtissant une véritable architecture numérique européenne : ouverte, adaptable, reposant sur des standards communs et des technologies partagées.

A ce titre, la coopération entre États membres, en particulier entre la France et l’Allemagne, est décisive pour définir des priorités communes. Le sommet du 18 novembre doit marquer un tournant : la commande publique, en France comme en Europe, doit devenir un levier d’accélération pour faire émerger de vrais champions continentaux. Il est temps d’afficher une feuille de route ambitieuse — investissements massifs, standards communs, alliances industrielles — et d’engager l’Europe sur la voie de la puissance numérique.