Mayotte : L’impératif d’une souveraineté aérienne pour un développement optimal

Publié le 22 mai 2025
Mayotte, Indian Ocean

Mayotte, 101ᵉ département français niché au cœur de l’océan Indien, incarne un paradoxe saisissant. D’une part, une croissance économique robuste, portée par une dynamique démographique forte et des investissements publics significatifs. D’autre part, une fragilité structurelle marquée par une dépendance excessive aux acteurs extérieurs, notamment en matière de transport aérien. Cette dépendance limite la compétitivité de l’île et freine son intégration dans le réseau économique régional. Pour garantir un développement durable et une véritable autonomie, Mayotte doit impérativement maîtriser son espace aérien en favorisant la création d’une compagnie locale ambitieuse, structurée, en capacité de répondre aux besoins et contraintes du territoire.

Une position géostratégique sous-exploitée.

Située à la confluence des routes reliant l’Afrique, l’Asie et l’Europe, Mayotte présente un fort potentiel de hub aérien naturel. Son attractivité repose sur sa stabilité institutionnelle, son appartenance à l’Union européenne et sa connexion avec les marchés africains et français. Pourtant, cet atout est sous-exploité en raison d’une connectivité aérienne limitée, concentrée autour d’une poignée d’acteurs qui imposent les conditions tarifaires et les dessertes. En 2023, seuls 462 000 passagers ont transité par Dzaoudzi, alors que la demande pourrait être bien supérieure si l’offre aérienne était plus compétitive et mieux adaptée aux flux régionaux et internationaux.

Les compagnies actuellement présentes – Air Austral, Corsair et Ewa Air – captent plus de 90 % du trafic, avec une concentration notable sur les liaisons avec La Réunion et l’Hexagone. Le défaut d’alternatives freine l’attractivité touristique et commerciale de Mayotte, tout en maintenant des tarifs élevés tant pour les voyageurs que pour le fret.

Les coûts de la dépendance aérienne : une entrave au développement.

L’absence d’une compagnie aérienne locale indépendante des acteurs extérieurs engendre des coûts considérables pour Mayotte.

Impact économique : Les tarifs élevés pénalisent le tourisme et l’investissement. Un aller-retour Mayotte-Paris oscille entre 800 et 1 500 euros, bien au-dessus des niveaux observés dans d’autres territoires ultramarins. En comparaison, La Réunion dispose de meilleures connexions et d’un marché plus compétitif, favorisant une plus grande fluidité du transport.

Impact social : L’insularité impose une forte mobilité, notamment pour les Mahorais vivant en métropole ou ayant des centres d’ intérêts dans l’ hexagone. Pourtant, le coût des billets limite ces échanges, isolant de nombreux foyers.

Impact commercial : De plus, le fret aérien, vital pour une économie insulaire, est sous-exploité. En 2023, Mayotte n’a transporté que 13 kg de fret aérien par habitant, soit le volume le plus bas parmi les régions françaises d’Outre-Mer. À titre de comparaison, La Réunion atteint 37 kg par habitant, tandis que la Guadeloupe et la Martinique enregistrent respectivement 36 kg et 30 kg par habitant. Cette faible capacité limite l’approvisionnement en produits à haute valeur ajoutée et en produits périssables, impactant le commerce local, la sécurité alimentaire et les prix à la consommation

Impact géopolitique : Mayotte, hub français et européen dans l’océan Indien, devrait disposer de sa propre compagnie aérienne pour renforcer son influence et sa résistance aux stratégies des compagnies extérieures.

Un modèle stratégique pour une aviation mahoraise durable.

Face à ces constats, l’émergence d’une compagnie aérienne locale, structurée et compétitive, apparaît comme une nécessité. Zena, projet en cours de structuration, incarne cette ambition. Son objectif est clair : offrir une alternative durable, adaptée aux réalités du marché et capable de positionner Mayotte comme un acteur aérien de premier plan dans l’océan Indien.

Son modèle repose sur trois piliers :

Un positionnement stratégique régional : relier efficacement Mayotte aux marchés clés (La Réunion, Madagascar, Comores, Tanzanie) tout en développant une liaison directe avec le territoire national.

Une offre tarifaire optimisée : adopter une approche compétitive pour rendre les voyages plus accessibles et stimuler le volume du trafic passagers.

Un développement du fret aérien : renforcer l’infrastructure logistique pour favoriser les importations et exportations, en s’inspirant des succès d’Air Sénégal ou Ethiopian Airlines, qui ont su capitaliser sur un mix public-privé.

Le financement de Zena repose sur une combinaison de subventions européennes, de partenariats public-privé et d’investissements privés. Cette stratégie est essentielle pour assurer la viabilité économique du projet et limiter la dépendance aux fluctuations du marché.

Vers une souveraineté aérienne durable.

L’enjeu dépasse largement la seule création d’une compagnie aérienne locale. Il s’agit de donner à Mayotte les moyens de maîtriser son transport aérien, d’accélérer son développement économique et de s’imposer comme un pôle logistique et touristique incontournable dans l’Océan Indien.

La demande est là : en 2030, la population de Mayotte atteindra 760 000 habitants et le volume de passagers pourrait dépasser 600 000 voyageurs annuels si l’offre suit l’évolution du marché. Avec une politique aérienne ambitieuse et adaptée, Mayotte peut enfin sortir de l’isolement, transformer son économie et affirmer pleinement son rôle de hub régional.

Zena n’est pas un rêve, mais une ambition collective portée par l’urgence d’une souveraineté aérienne qui profitera à tout particulier ou entreprise en lien avec Mayotte.