Exigences réglementaires et enjeux environnementaux nécessitent de transformer les villes pour répondre aux aspirations des habitants. La loi « Climat et résilience » de 2021 a ainsi défini un objectif de zéro artificialisation nette des sols (ZAN) d’ici à 2050. Le secteur du bâtiment en France est particulièrement énergivore, représentant 23% des émissions nationales de gaz à effet de serre d’après l’ADEME. Voici quelques pistes issues d’actions menées au niveau local pour que la France réussisse cette transformation urbaine.
Réhabiliter plutôt que s’étendre
Bien que les dispositions réglementaires liées à l’artificialisation des sols soient imparfaites et parfois contestées, il demeure indispensable de trouver un meilleur équilibre entre urbain et nature. La Cour des comptes a indiqué qu’entre 2010 et 2020, l’équivalent d’un département comme le Var a été artificialisé en France. Cela implique tôt ou tard de limiter la bétonisation pour ne pas reproduire cette situation. Il faut toutefois le faire avec finesse pour éviter que les petites communes ne soient pénalisées dans leur développement.
Saisissons donc cette opportunité pour revaloriser les friches. Ces espaces présentent l’avantage d’être souvent à l’intérieur des villes, proches des commodités et des transports. Les réhabiliter permettrait par exemple d’en faire les fleurons de l’industrie de demain ou des habitations exemplaires dans les « Cités-jardins durables du XXIe siècle ». A l’échelle architecturale, cette démarche fait sens également. On peut ainsi favoriser la transformation des bâtiments existants, par exemple d’anciens bureaux ou d’anciennes casernes, en limitant les démolitions, là où c’est nécessaire. L’idée n’est pas d’avoir une position dogmatique anti-démolition, mais d’évaluer au cas par cas en fonction des réalités économiques et de la qualité du bâti s’il est plus pertinent de le conserver ou de démolir.
Faire la part belle à la nature
Les espaces publics et l’architecture doivent également s’adapter aux évolutions du climat. Dans l’architecture des équipements publics, on utilise désormais des matériaux bio-sourcés, certains matériaux sont réemployés et les systèmes énergétiques sont plus sobres. Il faut néanmoins mieux prendre en compte la pérennité de certains dispositifs qui peuvent paraître « high-tech » mais qui se révèlent compliqués à entretenir sur le long terme. Au regard du contexte financier contraint, il faut privilégier la sobriété en matière de dépenses d’entretien et de maintenance.
Dans l’espace urbain également, les rues se transforment un peu partout en France. Elles font la part belle aux circulations douces avec de larges trottoirs et des voies cyclables. On plante des arbres là où c’est possible afin de lutter contre les ilots de chaleur urbains. On crée des continuités écologiques favorables à la biodiversité. Dans les quartiers, on crée de nouveaux squares ou parcs urbains généreusement plantés d’arbres. A Goussainville par exemple, nous avons engagé la création de plusieurs parcs de quartier permettant à chaque habitant de se trouver à moins de dix minutes à pied d’un espace vert. Il faut encourager et massifier ces démarches en octroyant des moyens aux collectivités territoriales pour poursuivre cette transformation.
Une réflexion est aussi à mener pour mieux articuler l’urbain et l’agriculture. Dans nombre de nos villes, espaces urbanisés et zones agricoles se juxtaposent sans réellement de porosités entre eux. On pourrait créer des espaces de dialogue entre ces deux univers, dans un contexte où la souveraineté alimentaire est un enjeu important. Des espaces productifs pourraient s’implanter en lisière agricole : fermes pédagogiques, jardins et serres partagés, circulations douces … Cela nécessite de faire évoluer la législation car aujourd’hui une commune ne peut préempter un terrain agricole pour le renaturer s’il a été artificialisé.
Vers un urbanisme partenarial et démocratique
Mener ces transformations urbaines demeure un long chemin. La complexité des opérations et le morcellement des compétences entrainent la participation d’un nombre croissant d’acteurs aux intérêts parfois divergents : il est nécessaire d’arriver à fédérer autour du projet pour en désamorcer les difficultés. Pour cela, il est indispensable de revenir à leur raison première, à savoir améliorer la vie des habitants. Aussi, il faut accorder à ces derniers la place qu’ils méritent. Les dispositifs de concertation citoyenne doivent évoluer pour toucher un public différent. Cela implique d’aller vers eux, en proposant par exemple des ateliers de concertation délocalisés lors des grands événements de la ville, sur les marchés, les centres commerciaux, etc.
La France dispose des moyens pour poursuivre cette transformation urbaine plus durable, harmonieuse et démocratique. Il reste néanmoins des barrières à lever. Il est urgent de raccourcir les délais et simplifier les procédures afin de pouvoir mener les projets dans un temps compatible avec celui des mandats locaux. Il faut faire confiance aux élus et leur donner plus de marges d’action pour favoriser la réussite des projets de mutation urbaine.