Un mois de travail est perdu par salarié à cause des conflits, souvent passés sous silence. Loin d’être rares, ils appellent à repenser le quotidien professionnel : accepter les désaccords, éviter le déni et préserver le collectif. Où placer le juste équilibre entre tensions et climat apaisé ?
Le conflit incompris
61 % des travailleurs estiment devoir faire « toujours, souvent ou parfois des choses qu’ils désapprouvent » (Dares, 2019). Quand 54 % considèrent « ne pas pouvoir faire du bon travail, devoir sacrifier la qualité » et enfin 30 % soulignent « toujours souvent ou parfois » devoir « mentir à des clients, des patients, des usagers, des collègues ». Le conflit est alors par nature intrinsèque à l’humain car nous ne pouvons être d’accord sur tout mais aussi l’expression d’un mal être organisationnel.
Étymologiquement, le conflit fait écho à la lutte et au combat mais aussi à l’antagonisme entre forces contraires. Conflits polymorphes, ils peuvent tirer leurs sources : du système organisationnel (par une mauvaise définition et répartition des tâches ou des procédés et procédures de travail oppressantes, routinières et hiérarchisées), de comportement et travail émotionnel en raison d’agressivité, d’anxiété, d’abattement, d’hostilité, ou d’usages technologiques (routines de travail, complexité, procédures floues…), pour causes économiques. Les conflits individuels et collectifs peuvent être organisés pour prendre la forme de démissions ou de grèves. La conflictualité revient à étudier l’intensité, la récurrence et l’étendu du conflit en collectif professionnel quel que soit le mode de gouvernance choisi.
Le travail de s’accorder malgré les différends
Répondre aux conflits quotidiens repose sur la régulation sociale entre collègues mais aussi sur l’intervention des managers de proximité. Le rôle de décisionnaire et de facilitateur du manager définit un cadre commun du travail collectif (Manager les vulnérabilités en pratique, 2025 éd Dunod). Les questions de justice procédurale et d’exemplarité lors de la résolution des conflits sont au cœur de l’engagement. Savoir laisser l’autonomie nécessaire à résoudre les désaccords et répondre aux besoins de créer du sens dans les choix pris représente une analyse situationnelle incontournable. Certes, passer du temps à “gérer” des conflits peut prendre plus de temps quand les crises se succèdent mais c’est un temps nécessaire pour prévenir l’entreprise totalitaire. Dépasser les biais cognitifs et la subjectivité peut amener à demander de l’aide pour réaliser une médiation ou un arbitrage collégial.
Alors que l’instabilité socio-économique augmente, l’organisation est rarement une forteresse de calme. L’augmentation de la complexité interne et externe, alliée à une ambiguïté croissante, devient un terreau fertile pour l’émergence des conflits Réussir à dépasser les interprétations et malentendus à cause des perturbations c’est construire une organisation anti-fragile. Développer un art de la résolution collective est plus que jamais un avantage compétitif.