Le capital-investissement à l’assaut des préjugés

Publié le 10 mars 2022
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Les chefs d’entreprises sont des Français comme les autres. Certains sont encore frileux à l’idée de voir un fonds de capital-investissement entrer dans le capital de leur société. Les professionnels du « private equity » entendent bien tordre le cou aux idées reçues, et redoublent d’efforts pour mieux faire comprendre leur rôle économique et social.

Parmi l’éventail des catégories d’investisseurs professionnels sur le marché, les sociétés de capital-investissement ont une stratégie particulière : elles investissent dans des entreprises non-cotées en bourse et s’orientent aujourd’hui majoritairement vers des projets durables. Ils participent ainsi au développement des start-ups ou permettent l’ouverture des PME sur les marchés extérieurs.

L’Europe en force sur le capital-investissement

Si les Etats-Unis concentrent les plus importants d’entre eux selon le Top300 publié par Private Equity International (PEI)  – tels que Blackrock ou KKR –, le Vieux continent n’est pas en reste avec quelques champions tels que le Français Ardian, l’Anglais CVC Capital Partners, le Suédois EQT Group, le Britannique Cinven, le Néerlandais Waterland Private Equity Investments, le Suisse Index Ventures, l’Allemand Deutsche Beteiligungs AG ou encore l’Italien Fondo FSI. Et ils ont le vent en poupe.

Pour tous ces fonds d’investissement, la période post-Covid est en effet synonyme de promesses car les entreprises, tous secteurs confondus, ont besoin d’investir massivement pour relancer l’économie. « Les marchés européens et français du private equity connaissent un taux d’activité excessivement élevé avec un niveau de levées de fonds et un nombre de transactions en cours très importants, estiment Rénald Béjaoui et Renaud Fuchs, directeurs de l’équipe Private Equity Performance Improvement d’A&M Europe. Cela a permis à certains secteurs de sortir renforcés de la pandémie et à certaines tendances plus spécifiques d’émerger. »

Aller chercher la croissance durable

L’un des leaders européens, le français Ardian, illustre bien cette tendance, avec près de 125 milliards d’actifs d’actifs gérés et des secteurs ciblés tournés vers le développement durable et les énergies vertes. Aujourd’hui, critères ESG (environnement, social, gouvernance) et stratégies RSE (responsabilité sociétale des entreprises) sont en effet au cœur des investissements responsables, ce qui incite les entreprises bénéficiaires de ces fonds à façonner le monde de demain. Cela passe même par des investissements privés massifs dans le développement de nouvelles sources d’énergie.

« Il faut décarboner l’économie, avance Mathias Burghardt, responsable de l’activité Infrastructure chez Ardian. L’hydrogène vert est un vecteur-clé pour pouvoir atteindre le zéro émission de gaz à effet de serre en 2050. » Pour cela, Ardian a activement participé au lancement de Hy24 dont le rôle est de fédérer les grands acteurs institutionnels et industriels. « Hy24, dont nous sommes actionnaires aux côtés de Five T, est la plateforme qui va gérer le plus grand fonds au monde dédié à l’hydrogène décarboné, poursuit Mathias Burghardt. Nous visons un premier fonds de 1,5 milliard d’euros et 10 à 15% de parts de marché dans les projets liés à l’hydrogène. Les plus gros investissements – environ 70% – seront faits dans les électrolyseurs et la production elle-même d’hydrogène vert, le reste sera consacré à la chaîne d’approvisionnement et au stockage. » L’enjeu est mondial, les promesses de croissance évidentes.

Des intérêts parfaitement alignés

De manière générale, la croissance externe et la croissance organique restent les objectifs communs des entrepreneurs et des fonds de capital-investissements partenaires. En Allemagne, le fonds de private equity Deutsche Beteiligungs AG (DBAG) vient par exemple d’investir dans l’entreprise Dantherm, l’un des leaders européens des solutions de climatisation, de chauffage et de ventilation. « Nous voulons aider Dantherm à poursuivre sa croissance organique et sa stratégie de rachat et de construction, souligne Jannick Huneck, membre du conseil d’administration de DBAG. En Europe, le marché reste très fragmenté, ce qui nous offre l’opportunité d’élargir notre portefeuille de produits et notre couverture du marché régional par le biais d’acquisitions. DBAG voit un potentiel supplémentaire d’amélioration de la valeur, grâce à une plus grande intégration entre les sociétés récemment acquises par Dantherm. »

En Allemagne comme en France, les bénéfices pour les entreprises sont notables, comme le souligne une étude conjointe de France Invest (Association des investisseurs pour la croissance) et d’Inuo Strategic Impact, un cabinet de conseil en stratégie, réalisée en 2021. Ces atouts s’axent autour de trois points : une surperformance par rapport aux sociétés familiales concurrentes, une valorisation de l’accompagnement apporté par les fonds d’investissement, et une évolution de la structure du capital. « Cette étude, ce sont surtout des témoignages de dirigeants, remarque Dominique Gaillard, qui était alors président de France Invest. Finalement, ce sont eux les meilleurs ambassadeurs du capital-investissement. Leurs parcours permettent de lever certaines idées reçues, certaines craintes et sont même de précieux conseils pour les chefs d’entreprise qui sont tentés d’ouvrir leur capital à un fonds. »

Les critères ESG pour ligne de conduite

Signe des temps, les fonds de private equity européens sont aujourd’hui mus par les critères sociétaux et environnementaux dans leurs prises de participation. En Suède par exemple, le fonds de capital-investissement EQT Group pousse, comme Ardian en France, les entreprises à réorienter leur modèle vers davantage de durabilité. « Nous conduisons des opérations pour lesquelles nous voulons augmenter le niveau de respect des critères ESG des entreprises présentes dans notre portefeuille, car le marché global doit franchir une nouvelle étape en la matière, analyse Therése Lennehag, responsable du développement durable chez EQT à Stockholm. A partir de là, nous pouvons agir sur les leviers susceptibles de créer de la valeur pour les industries concernées. Nos opérations visent à intégrer les critères ESG au cœur des propositions de valeur de nos clients pour accélérer leur transformation. »

Les fonds de capital-investissement s’imposent donc peu à peu sur la scène économique européenne, grâce à leur vocation d’accompagnement des entreprises. « En renforçant le capital de l’acheteur lors d’une croissance externe, le spécialiste en private equity met tout en œuvre pour accompagner le management, explique le site suisse Agefi.com, spécialisé dans l’analyse financière. Il s’assure notamment que les conditions d’acquisition sont optimales et que la phase d’intégration se déroule sans faux pas. Ce mode de financement présente des avantages certains : souplesse financière, soutien d’experts et accompagnement à long terme pour une intégration réussie. » Reste maintenant aux principaux intéressés à mieux faire connaître leur activité auprès du grand public.