Quelle coalition à la tête du gouvernement allemand après les élections fédérales ?

Publié le 27 septembre 2021
Bundestag
The Norman Foster redesigned German Bundestag Reichstag German national parliament Berlin, Germany

Les Allemands se sont rendus aux urnes dimanche 26 septembre, et ont conclu les seize années de pouvoir d’Angela Merkel à la chancellerie fédérale en mettant les sociaux-démocrates du SPD en tête et en faisant subir une défaite historique au parti de la chancelière.

Le début de soirée électorale a été marqué par un suspense important, avec de premières estimations donnant CDU-CSU (centre-droit) et SPD (centre-gauche) au coude-à-coude autour de 25%. Finalement, les sociaux-démocrates menés par l’actuel Ministre des Finances Olaf Scholz arrivent en tête, près de 2 points devant le parti d’Angela Merkel, désormais dirigé par Armin Laschet. Au Bundestag, le SPD comptera donc le plus grand nombre de sièges pour la première fois depuis les élections fédérales de 2002, lorsque le parti était dirigé par Gerhard Schröder.

Des résultats marquant la fin de l’ère Merkel

Autour de 77% des Allemands en âge de voter se sont déplacés pour ces élections, amenant la participation à un niveau inédit depuis au moins 2005. Concernant les résultats en voix, le SPD arriverait en tête avec 25,7% des voix, suivi de l’union entre la CDU et son aile bavaroise la CSU, avec 24,1%. Les Verts bénéficient eux aussi d’une percée et obtiennent un score historique, avec près de 15%, malgré des sondages leur promettant un score encore bien meilleur il y a quelques semaines. Du côté des plus petits partis, le FDP (centre-droit libéral) progresse encore et tutoie les 12%, alors que l’Alternative für Deutschland (extrême-droite) se tasse légèrement autour de 10% et que les néo-communistes du parti « Die Linke » (extrême-gauche) chutent sous les 5%, et sauvent de justesse leur représentation parlementaire.

Tous les regards, en Allemagne comme en Europe, se tournent désormais vers les possibilités d’alliance pour former le prochain gouvernement fédéral. Alors que la France s’apprête à prendre le 1er janvier la présidence tournante de l’Union Européenne et que l’élection présidentielle se tiendra dans 6 mois, le nom du futur chancelier allemand et l’orientation idéologique du gouvernement revêt en effet une importance considérable : relance européenne, mesures climatiques, défense… La France attend des positions favorables sur de nombreux sujets de la part de son partenaire allemand et la composition de la coalition constitue donc un point d’inquiétude pour l’Elysée.

Du côté des chefs d’entreprises et acteurs de l’économie européenne, on s’interroge sur la réorientation de la politique allemande dans les prochains mois. Un pas vers davantage de rigueur budgétaire, en cas d’alliance entre la CDU et le FDP, ou au contraire une accentuation de la ligne de solidarité européenne, souhaitée par le SPD et les Verts, sont particulièrement scrutés.

L’Europe s’apprête à scruter les négociations de coalition

Et déjà, les prises de position ont commencé. Renforcé par un score en progression et une position centrale dans le champ politique, le leader du FDP (centre-droit libéral) Christian Lindner a d’ores et déjà annoncé qu’il entendait négociait avec les Verts pour constituer une base d’alliance. Il souhaite que les deux partis sélectionnent ensuite le troisième parti avec lequel ils gouverneraient, en choisissant ainsi le nom du futur chancelier.

Du côté du leader du SPD Olaf Scholz, on revendique le poste de chancelier en le justifiant par la première place du parti en voix comme en sièges. Le leader social-démocrate semble préférer une alliance avec les Verts et le FDP, qui lui donneraient une majorité claire, dans un gouvernement mettant en avant la lutte contre le changement climatique, la solidarité européenne, en nuançant ces positions de l’idéologie plus rigoriste du FDP. Une telle coalition « feu tricolore » (du nom des couleurs des trois partis qui s’associeraient : le rouge du SPD, le vert et le jaune du FDP) de centre-gauche rassurerait sans doute du côté de l’Elysée en matière économique et d’engagement climatique.

Au contraire, à la CDU-CSU, menée par un Armin Laschet durement critiqué durant la campagne et qui a appelé à un soutien à son parti au nom de la « stabilité » (et en s’associant autant que possible avec la très populaire chancelière Merkel), on espère une coalition « jamaïcaine » alliant le parti au FDP et aux Verts. La ligne de responsabilité budgétaire et de fermeté sur les questions de sécurité rapproche en effet le FDP de la CDU, même si les Verts considèrent que le mauvais score de la formation de centre-droit rend ce choix tout sauf naturel. Du côté de Paris, on considère qu’une telle coalition pourrait mettre davantage l’accent sur les questions de sécurité et de défense européennes, une demande française de longue date, mais pourrait aussi se montrer moins favorable à des réformes de l’UE souhaitées par le Président Macron.

Il est en tout cas clair que de longues semaines de discussions vont devoir se tenir désormais, possiblement jusqu’à Noël ou au-delà, avant qu’une coalition fédérale ne soit formée pour faire face aux défis attendant l’Allemagne. Une chose est en tout cas sûre, si Angela Merkel gardera son siège de chancelière jusqu’à l’élection de son successeur, celui-ci s’appellera soit Armin Laschet soit Olaf Scholz, et son nom et la composition de son gouvernement seront étudiés avec attention par la France et le reste de l’Europe.