Alors que la crise sanitaire se double d’une crise économique, aggravée par la chute du prix des hydrocarbures, l’Algérie se trouve à la croisée des chemins. La crise peut-elle être l’occasion d’accélérer la transformation du modèle économique ? Sami Agli, Président de la Confédération Algérienne du Patronat Citoyen (CAPC) appelle de ses vœux la diversification de l’économie, des réformes structurelles et une ouverture assumée et cohérente à l’international. Il trace, en exclusivité pour Choiseul Magazine, les pistes du développement économique de l’Algérie de demain.
- L’Algérie a été très touchée par la crise du COVID19. Pouvez-vous nous décrire l’impact de cette crise sur l’économie algérienne, en particulier sur le milieu des affaires ?
Sami Agli : À l’instar de toutes les économies du monde, l’Algérie a subi de plein fouet la crise de la Covid-19. Celle-ci a fragilisé les entreprises de tous les secteurs d’activité. Je ne vous cache pas que les entrepreneurs traversent une conjoncture difficile caractérisée par des baisses de production, arrêts d’investissements…etc Comme je ne cesse de le dire, le Covid-19 qui fait, malheureusement, des dégâts humains fait également des dégâts économiques.
L’impact de cette pandémie est d’autant plus dur pour notre économie qui, comme vous le savez, dépend fortement de ses exportations pétrolières et gazières. J’ajouterais que cette pandémie est aussi un facteur d’accélération de la transformation de notre modèle économique jusque-là basé sur cette rente des hydrocarbures.
Notre organisation, la Confédération Algérienne du Patronat Citoyen, suit de très l’impact de la Covid-19 sur les entreprises dès son apparition et l’enregistrement des premiers cas à travers un comité de veille. Suite à quoi nous nous sommes mobilisés sur plusieurs fronts. D’un côté et en toute responsabilité, les chefs d’entreprises et malgré toutes les difficultés qu’ils traversent, se sont mobilisées pour soutenir les autorités, au plan local et national, dans la lutte contre la pandémie. Nous avons mis à la disposition de la collectivité tous nos moyens humains et matériels. Nous avons, par ailleurs, élaboré des propositions pour réduire de l’impact de la Covid-19, car nous sommes aussi convaincus, et au-delà des actions de solidarité, notre pays a besoin, plus que jamais, de ses entreprises. Il est aujourd’hui d’un intérêt stratégique de maintenir l’activité économique et préserver l’emploi.
La CAPC a ainsi fait des propositions et préconisé des mesures d’urgences d’ordre fiscales, financières et parafiscales. Elles ont trouvé un écho favorable auprès des pouvoirs publics et on se félicite. De leurs côtés, les autorités algériennes étaient mobilisées à tous les niveaux à travers une Commission de très haut niveau chargée de d’évaluation des incidences économiques et sociales causées par la crise sanitaire. Celle-ci en concertation avec les partenaires économiques et sociaux a pris des mesures destinées à atténuer la pression et l’impact de la pandémie du coronavirus Covid-19 sur les entreprises, les PME/PMI, les professions libérales et les petits métiers.
Il s’agit désormais de mettre en application et urgemment ces mesures car nous ne pouvons plus nous permettre de perdre davantage de temps. Le moindre retard pour nous est synonyme de perte de productivité et d’emplois.
- Quelles sont aujourd’hui les perspectives pour 2021 ?
SA : La crise sanitaire que traverse notre pays et le monde entier conjuguée à la chute des prix du Brent nous dicte plus que jamais la nécessité et l’urgence de lancer une politique de diversification de l’économie algérienne. Le plus grand défi auquel fait face l’Algérie est celui de sortir de cette dépendance aux hydrocarbures.
La nouvelle Algérie qui se construit est également économique et on se félicite que les autorités de notre pays en font une priorité.
L’économie de demain doit être portée par l’entreprise, principalement par un secteur privé fort. D’où la nécessité d’offrir un environnement des affaires attractif et adéquat qui libère les initiatives et l’investissement et d’engager de véritables réformes structurelles. Encore une fois, le temps presse.
La crise sanitaire que traverse notre pays et le monde entier conjuguée à la chute des prix du Brent nous dicte plus que jamais la nécessité et l’urgence de lancer une politique de diversification de l’économie algérienne. Le plus grand défi auquel fait face l’Algérie est celui de sortir de cette dépendance aux hydrocarbures.
La nouvelle Algérie qui se construit est également économique et on se félicite que les autorités de notre pays en font une priorité. L’économie de demain doit être portée par l’entreprise, principalement par un secteur privé fort. D’où la nécessité d’offrir un environnement des affaires attractif et adéquat qui libère les initiatives et l’investissement et d’engager de véritables réformes structurelles. Encore une fois, le temps presse.
Le défis de notre économie pour l’année 2021 et celles qui suivront constituent une véritable opportunité pour l’investissement dans notre pays dans tous les secteurs économiques
- L’agriculture et l’agro-industrie, notamment le BIO
- Plusieurs filières industrielles de transformation
- L’industrie manufacturière exportatrice
- L’industrie minière extractive qui est appelée à devenir l’une des plus importantes au monde. Le sous-sol algérien regorge de minerais en tous genres, y compris les terres rares
- La chimie et la pétrochimie
- Les énergies renouvelables
- L’industrie digitale
- Le tourisme, la formation, etc.
- Enfin, un secteur encore vierge : le secteur des services
À très court terme, j’estime que 2021 doit être celle des réformes structurelles profondes pour améliorer la gouvernance de l’administration économique, c’est d’ailleurs dans cette perspective que le cadre législatif et réglementaire à récemment évoluer en faveur de l’entreprenariat en général et des investisseurs internationaux en particulier.
L’Algérie accélère son ouverture. La vision est claire et le cap est donné. Elle possède tous les atouts nécessaires à la transformation de son paradigme économique. Au premier rang de ceux-ci se trouve un marché national solvable avec plus de 45 millions d’habitants et des marchés internationaux de proximité accessibles à moindre coût. La jeunesse est bien formée et très engagée. Comme chacun sait, elle a emerveillé le monde entier par son sens des responsabilités et ses valeurs. Notre tissu économique est fort de plus de 2 millions d’entreprises de toutes tailles, parmi elles de plus en plus de champions de classe internationale.
- Le patronat algérien est très actif depuis le 1ersemestre 2020 et a notamment lancé au début du mois de septembre, un programme de soutien aux startups nommé « Innovate-Algeria ». Pouvez-vous présenter ce projet ambitieux destiné à renforcer l’économie de la connaissance dans le pays ?
SA : « Innovate-Algeria » a pour objectif d’amorcer et de développer les projets entrepreneuriaux qui s’appuient sur la connaissance appliquée, le développement créatif et l’autonomie dans la conception et l’engineering de nouveaux produits et services. Il s’agit d’offrir un accompagnement allant de la formation aux opportunités de levées de fonds et d’internationalisation en passant par le conseil stratégique et le développement d’affaires. Le programme “Innovate-Algeria” a pour but ultime de former une nouvelle génération d’entrepreneurs innovants, compétitifs et disruptifs.
Nous sommes très motivés pour réussir notre transition économique en l’amarrant, notamment à l’économie mondiale.
- L’Accord d’Association (AA) signé à Valence en 2002 avec l’Union Européenne et mis en application en 2005 a débouché sur des résultats mitigés pour l’Algérie. Ainsi, la mise en place de la Zone de libre-échange a été reportée de 2017 à 2020 mais ce calendrier devrait être une fois de plus décalé. Vous vous êtes prononcé en faveur d’une révision de cet Accord, qu’attendez-vous de cette possible réévaluation ?
SA : Avec l’Union Européenne, nos destins sont liés et nous partageons des valeurs essentielles. Cependant, Pour ce qui est de la révision de l’accord d’association, Nous estimons qu’il est tout à fait légitime pour notre pays de vouloir préserver ses intérêts, préserver ses secteurs stratégiques et ses entreprises stratégiques et placer la protection de sa production au cœur de sa stratégie économique, comme d’ailleurs font tous les Etats du monde même les plus libéraux.
Oui pour l’Accord d’Association avec l’Union Européenne, Oui pour la consolidation de notre coopération avec l’UE, mais nous plaidons pour un accord gagnant-gagnant. Or, 18 années après sa signature, cet accord a servi l’Europe. Ou sont les investissements, les transferts de technologie et de savoir-faire tant promis ? La balance commerciale hors hydrocarbures est également en faveur de l’UE.
L’Algérie ne veut pas être « un grand bazar » pour l’Europe mais un partenaire économique à part entière. Nous avons une économie en plein mutation qui s’ouvre sur le monde et qui offre aux entreprises du monde d’importantes opportunités de partenariat. Nous souhaitons développer nos capacités de production, améliorer nos produits et réaliser un niveau d’intégration qui nous permettra de nous intégrer à l’économie mondiale.