Dans le cadre de sa visite en octobre à Paris, le journaliste Guillaume Asskari s’est entretenu avec Javier Martínez-Acha, ministre des Affaires étrangères du Panama.
Alors que la Commission européenne vient de retirer le Panama de sa liste des juridictions à haut risque en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, le pays
entend tourner la page et asseoir un partenariat renouvelé avec l’Union européenne. Le ministre revient sur cette décision, détaille les grands projets d’infrastructures ainsi que les ambitions économiques, diplomatiques et environnementales de son pays.
Guillaume Asskari : En juin dernier, la Commission européenne a retiré le Panama de la liste de pays et de juridictions considérés comme présentant un risque élevé de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Quelle a été votre réaction à cette décision ?
Javier Martinez-Acha : Nous l’avons accueillie avec une grande satisfaction. Justice a été rendue, car le Panama ne méritait pas d’y figurer. C’était une désignation infâme, presque un manque de respect. Nous ne voulons pas revenir sur les injustices du passé, mais souligner l’excellente relation que nous entretenons aujourd’hui avec l’Union européenne et avec plusieurs capitales européennes – Madrid, Rome, Berlin, Athènes, Ljubljana… Le vote de l’Union européenne a renforcé la confiance entre nos pays. Les grands États européens ont toujours cru au Panama et souhaitent désormais participer à nos projets d’infrastructures et à notre développement.
Concrètement, comment se traduit ce rapprochement avec l’Europe ?
Le Panama est un pays ouvert, une porte et un pont entre les continents. Nous avons un canal stratégique, un hub portuaire, un aéroport international très dynamique, et une connectivité numérique exceptionnelle – sept câbles sous-marins traversent notre territoire. Nous voulons attirer davantage d’investissements européens. Avec l’accord d’association entre le Panama et le Mercosur, les entreprises européennes peuvent établir depuis notre pays leurs bases régionales pour accéder à un marché de 300 millions d’habitants. Nous offrons une économie stable, sans inflation, adossée au dollar, et un cadre juridique sûr. Le Panama est un partenaire de confiance pour les investisseurs européens.
Quels sont les grands projets d’investissement qui vont transformer le pays ?
Le Canal de Panama, autorité indépendante du gouvernement, dispose de plus de 1,2 milliard de dollars pour les dix prochaines années. Le projet principal est la construction du barrage d’Indian River, pour garantir les réserves d’eau et maintenir le trafic maritime face au phénomène El Niño. Nous étudions aussi la construction d’un gazoduc, de nouveaux ports – car les nôtres sont déjà saturés – et d’une route de desserte sur la rive ouest du canal. Le gouvernement, de son côté, prépare le développement du chemin de fer reliant la capitale à la frontière du Costa Rica, l’interconnexion électrique avec la Colombie, des usines de traitement des eaux, la modernisation des hôpitaux et des écoles. Ces investissements créeront un véritable choc économique positif. Le pays reviendra pratiquement au plein emploi et la prospérité bénéficiera à un plus grand nombre de Panaméens.
Le tourisme semble aussi un axe fort de votre diplomatie économique. Quelles sont vos attentes vis-à-vis de la France ?
J’invite les hôteliers et les touristes français à venir au Panama ! Nous sommes une destination beaucoup plus attractive que nos concurrents : le Canal, les plages sur deux océans, la vieille ville coloniale de Casco Viejo, les ruines de Panama Viejo, le Camino de Cruces, les lacs du Canal, et un tourisme d’aventure encore méconnu. Il n’y a aujourd’hui qu’un seul hôtel français, Le Méridien. J’aimerais en voir d’autres. Nous souhaitons aussi davantage de vols directs depuis la France. Avec notre ministère du Tourisme et notre ambassade à Paris, nous travaillons à mieux faire connaître le Panama comme destination culturelle, naturelle et sûre.
Le Panama est souvent décrit comme un hub économique de la région. Que cela signifie-t-il concrètement ?
Nous sommes un carrefour mondial. Cinq grands ports, un hub aérien reliant chaque jour 95 villes du continent américain, une place financière solide, la zone franche de Colón, et la plateforme industrielle de Panama Pacífico. Nos lois encouragent les entreprises à s’établir chez nous pour commercer avec l’Amérique centrale, du Sud ou les Caraïbes. Nous avons une économie dollarisée, une inflation quasi nulle, une stabilité politique et une sécurité juridique exemplaire. Notre gouvernement a une vision entrepreneuriale, mais aussi sociale : nous reconstruisons des hôpitaux, rouvrons des écoles et soutenons les zones les plus vulnérables.
Sur le plan diplomatique, quel rôle le Panama souhaite-t-il jouer dans la région et dans le monde ?
Le Panama a toujours privilégié le dialogue et le consensus. Nous entretenons d’excellentes relations avec la quasi-totalité des pays d’Amérique latine et d’Europe. Nous défendons le droit international. Nous avons condamné l’agression russe contre l’Ukraine et appelé à un retrait sur les frontières d’origine, dans le cadre d’une paix durable. Notre vocation est d’être un centre de convergence : un pays qui favorise la compréhension entre différentes idéologies et qui cherche ce qui unit plutôt que ce qui divise.
Vous avez également mis en avant la politique environnementale du Panama. Quels en sont les principaux objectifs ?
Nous avons une politique environnementale très ambitieuse. Le Panama protège ses mangroves, ses forêts et ses océans. Nous avons la plus grande réserve forestière du continent après l’Amazonie. Nous faisons partie des trois pays au monde à bilan carbone négatif. Et en 2027, nous accueillerons un grand congrès international sur les aires protégées. Le monde ne peut pas douter de l’engagement du Panama pour la planète.
Propos recueillis par Guillaume Asskari, journaliste et producteur, spécialiste de l’Amérique latine, membre d’honneur de l’association LatFran (www.latfran.org)




