En réaction aux enjeux climatiques, l’ensemble des industries doivent repenser leurs schémas de production, y compris l’immobilier. Ce ne sont pas seulement les matériaux utilisés qui doivent être repensés mais toute la philosophie de construction immobilière, en prenant en compte d’autres dynamiques contemporaines telles que la diminution de la taille des foyers ou encore la demande de logements plus abordables. Ainsi, la nécessité de décarbonation de l’industrie de l’immobilier appelle à conjuguer innovation, sobriété et vision à long terme.
Maintenir une trajectoire claire et stable de décarbonation de l’immobilier
La RE2020, réglementation environnementale des bâtiments neufs, a profondément transformé la conception immobilière en fixant des objectifs ambitieux sur l’ensemble du cycle de vie des projets. Elle impose un double seuil d’émissions, couvrant à la fois l’usage et la construction, ce qui exige une performance énergétique accrue et le recours aux énergies renouvelables, ainsi qu’une sobriété élevée dans le choix des matériaux. Avec des exigences renforcées tous les trois ans, cette réglementation dessine une trajectoire claire jusqu’en 2031, incitant l’ensemble de la filière, et en particulier les fabricants de matériaux, à investir massivement dans des procédés durables.
Les promoteurs jouent un rôle central dans cette transformation. Un immeuble compte en moyenne 120 composants, chacun ayant un impact carbone propre. La stratégie d’achats des promoteurs devient donc un des leviers clés pour réduire l’empreinte environnementale de chaque élément, qu’il s’agisse de fenêtres, de revêtements de sols ou de systèmes électriques. Cela passe par l’anticipation des politiques industrielles, le soutien à l’innovation sobre, l’optimisation des process et l’intégration de matières recyclées ou réemployées.
La stabilité des exigences environnementales est essentielle pour permettre à la filière d’engager les investissements industriels nécessaires à la décarbonation des procédés. Nous parlons là de chimie du clinker, de décarbonation de la production d’acier, de capacités de productions de modules bois, d’électrification de procédés industriels, d’intégration de matière recyclée ou réemployée dans les process, etc.
Mobiliser les leviers architecturaux et paysagers
Cette transition ne se limite pas à l’application de normes : elle appelle une refonte en profondeur des pratiques de conception et d’engineering avec un objectif : aller à l’essentiel. Cela suppose de penser la forme, les orientations, la lumière, la pérennité des matériaux, la présence du végétal et le recours aux solutions fondées sur la nature dans un objectif de qualité des volumes, de fluidité des plans et de frugalité du recours à la matière selon le principe « Less is more » !
Cela suppose notamment :
- de mieux prendre en compte les réalités climatiques dans les prescriptions urbaines et architecturales. Par exemple, il devient paradoxal d’imposer des façades et couvertures aux teintes sombres dans des zones exposées aux vagues de chaleurs.
- de se baser sur les performances techniques réelles des immeubles neufs (ventilation, rafraîchissement, inertie thermique, occultation, solutions fondées sur la nature…). De nombreux référentiels sont encore inspirés de l’immobilier ancien et imposent des exigences qui ignorent ou sous-estiment ces atouts.
- d’adapter les projets aux dynamiques socio-démographiques locales. Imposer de trop nombreux logements de 4 ou 5 pièces dans notre société où la taille moyenne d’un ménage est de 2,15 personnes, c’est priver la moitié des habitants potentiels de logements, renchérir le coût de l’immobilier pour l’autre moitié et augmenter les émissions liées à la construction pour tous.
Cette approche, bien plus qu’une simple démarche RSE, redéfinit la manière même de concevoir les projets immobiliers pour toutes les parties prenantes.
Des exemples de projets frugaux, développés dans des communes de taille moyenne sans recourir à des innovations coûteuses et non réplicables, prouvent qu’une conception bioclimatique, une approche sobre et une politique d’engagement des fournisseurs peuvent être aussi efficaces que des technologies onéreuses et peu reproductibles.
Repenser l’immobilier
Oui, la transition écologique de l’immobilier doit être pensée comme un projet de société, associant vision long terme, ambition réaliste et cohérence des politiques publiques.
Oui, les acteurs du développement immobilier doivent raisonner à l’échelle du quartier et du cycle de vie des bâtiments, en intégrant des enjeux comme l’intensification foncière, l’économie circulaire, l’accès à l’énergie et au logement abordable, ou encore l’adaptation au changement climatique. Face à des dynamiques démographiques complexes (vieillissement, décohabitation, augmentation du nombre d’étudiants) et aux enjeux de sobriété foncière, une collaboration étroite entre élus, promoteurs et municipalités est indispensable.
Oui, les élus locaux ont notamment un rôle déterminant à jouer : défendre des dynamiques de projets ambitieux et dépasser le statu quo pour façonner des villes plus sobres, plus justes et plus résilientes.
Faisons-le.