Influenceurs et personnalités politiques marchent désormais main dans la main : l’élection présidentielle américaine l’a récemment démontré. À la faveur de posts tonitruants sur les réseaux sociaux et d’interventions ambivalentes aux côtés de key opinion leaders, un ancien Président des États-Unis s’est fait réélire. Des tendances scrutées Outre-Atlantique et, de plus en plus, sur le Vieux continent. Quid des régulateurs et de leur rôle sur l’écosystème numérique, crucial en temps de vote ?
Imaginez une motte de beurre traversée et découpée allègrement par un couteau brûlant, vous aurez une image assez exacte de nos démocraties européennes. Les activistes les plus débridés comme les militaires russes, ukrainiens, américains, chinois, palestiniens, israéliens, azéris, coréens, iraniens, turcs déchirent et dissolvent cette pauvre matière molle à leur gré, sans rencontrer d’autre réaction que désarroi et apathie.
La charge lancée par Elon Musk contre Keir Starmer et Olaf Scholz au profit des extrême-droites britannique et allemande, s’est prolongée par la décision de Mark Zuckerberg de rompre avec sa stratégie de respect formel des règlements européens.
L’Europe est plus que jamais perméable à des stratégies d’influence qui visent à la déstabiliser, parce qu’elle ne maîtrise pas l’infrastructure numérique qui forme sa démocratie.
Il revient à l’équipe Obama d’avoir expérimenté pour la première fois la puissance discrète d’un premier outil, la publicité sur les réseaux sociaux, sur Facebook, lors de sa campagne de 2008. Certaines entités russes s’en sont inspiré pour interférer dans la campagne américaine de 2016. La méthode a plus récemment été utilisée sur TikTok en Roumanie.
Les plateformes sociales, puissant levier d’opinion
Croyez-vous qu’en Europe, depuis 2016, une régulation impose aux plateformes sociales de disposer de capacités pour suivre précisément, analyser et stopper en temps réel les publicités lors d’élections structurantes ? Un deuxième outil consiste en la construction sur les réseaux sociaux d’une capacité de diffusion massive d’un même message, par exemple via des réseaux de « bots » ou des communautés organisées autour d’une cause ou d’un « influenceur ».
Avec l’achat de Twitter, Elon Musk a bâti une réelle puissance politique grâce à une communauté engagée par des discours abrupts, funs et émotionnels. Comment se fait-il que les chefs d’Etat allemand et britanniques soient à ce point surpris et déstabilisés par de telles approches ?
Certes, nous avons le DSA, règlement européen qui déclare logiquement que « ce qui est illégal hors ligne est illégal en ligne ». Hélas, cette régulation a une faible utilité, car certaines entreprises s’y opposent et échappent à la souveraineté européenne. Pendant que les Américains mettent TikTok au pas, que les Russes et les Chinois isolent leur internet et utilisent VK, TikTok et Douyin, les Européens régulent virtuellement.
Fidèle au dicton « les Américains innovent, les Chinois fabriquent et les Européens réglementent », notre continent règlemente à vide et ne s’est pas mis en situation de créer une seule entreprise numérique permettant d’irriguer son espace public.