Olivia Grégoire en mission : elle veut pousser les PME à devenir des ETI

Publié le 25 octobre 2023
Photo d'Olivia Grégoire

La ministre fait partie avec discrétion de gouvernements qui ne la « lâchent » pas. Au contraire, la fidèle LREM monte en puissance et en responsabilités, de Castex à Borne. À 45 ans, cette ex-députée deux fois réélue regroupe dans son ministère des « écosystèmes », comme elle dit, vitaux pour le pays. De quoi parier qu’elle accompagnera le Président jusqu’au bout de son mandat ?

Vous avez travaillé par le passé pour plusieurs personnalités politiques avant de devenir députée puis ministre. D’où vient votre goût du débat public, votre fibre politique ?

Mon engagement est né de la volonté d’agir pour les autres. Je ne fais pas de la politique par ambition démesurée ou pour parfaire un réseau. Ce qui m’anime au quotidien dans mon action, c’est d’être utile pour nos concitoyens et d’améliorer leur quotidien, pas au travers de propositions démagogiques ou au moyen de grandes frasques politiques, mais en travaillant sur le terrain, à hauteur des gens et de leurs besoins. Ministre, en latin, veut dire « serviteur », et c’est tout le sens que je donne à ma mission. Servir les Français, servir nos petites et moyennes entreprises qui représentent 99 % du tissu économique de notre pays, servir nos commerçants, nos artisans, nos indépendants, mais aussi les acteurs de l’économie sociale et solidaire qui viennent tout juste de revenir dans mon portefeuille.

Avant d’être élue députée, vous vous êtes lancée dans une nouvelle aventure en créant votre entreprise, spécialisée dans l’accompagnement des TPE/PME. Que retenez-vous de ces années d’entrepreneuriat ? Que vous ont-elles apporté ?

Entreprendre, c’est prendre son risque. C’est tenir une idée et la confronter au réel. Ce sont aussi des nuits blanches à s’angoisser, à travailler d’arrache-pied pour faire tourner sa boutique, à chercher des solutions. C’est d’ailleurs aussi mon quotidien de ministre. Ce ministère me tenait vraiment à cœur parce que je sais ce que c’est que d’être entrepreneur, d’être une TPE, les difficultés et les inquiétudes qui en résultent, tous les jours. De quoi vous ramener sans cesse à la réalité. C’est cette expérience surtout qui m’aide à mieux comprendre les différents écosystèmes avec lesquels je traite et de trouver des propositions qui soient au plus près de leurs préoccupations.

C’est cette expérience surtout qui m’aide à mieux comprendre les différents écosystèmes avec lesquels je traite et de trouver des propositions qui soient au plus près de leurs préoccupations.

Vous avez aujourd’hui un portefeuille ministériel qui inclut les PME, le commerce, l’artisanat, le tourisme, plus l’économie sociale et solidaire depuis juillet. Quelles sont les grandes priorités qui guident votre action au gouvernement ?

Encore une fois, ma mission est d’être utile et de proposer de vraies solutions à de vrais problèmes. Je dirais que, pour l’ensemble des acteurs dont j’ai la charge, mon action est guidée par deux principes : protéger et libérer. Protéger par exemple les consommateurs et les entreprises de l’inflation. Libérer les entreprises pour les aider à développer plus facilement leurs activités. Si on rentre dans le détail, sans vous dresser un inventaire à la Prévert, du côté des PME, j’ai deux impératifs.

D’abord, celui d’accélérer la transition écologique de nos TPE PME. La transition écologique, la décarbonation de nos modes de production, ne se feront pas sans elles. Mais on ne sait pas toujours par quel bout s’y prendre, parce qu’on manque de temps, parce que c’est parfois trop complexe ou parce qu’on n’a pas la trésorerie nécessaire. L’État doit donc jouer un rôle de facilitateur et d’accompagnateur pour inciter nos plus petites entreprises à entamer et à accélérer cette transition, du diagnostic à la mise en place de solutions.

Ensuite, je souhaite qu’on lève un certain nombre de freins au développement de nos PME. La France manque d’ETI. J’engagerai donc un travail dans les prochains mois pour faciliter la croissance de nos PME et les pousser à innover, à se développer et à créer plus d’emplois.

La France manque d’ETI. J’engagerai donc un travail dans les prochains mois pour faciliter la croissance de nos PME et les pousser à innover, à se développer et à créer plus d’emplois.

Le commerce, lui aussi, doit amplifier sa mue écologique tout en embrassant les opportunités offertes par le numérique – et notamment l’IA – pour répondre encore plus finement, et de manière personnalisée, aux attentes de consommateur.

Et puis un projet me tient à cœur, celui de la transformation des zones commerciales que je présenterai d’ici à l’automne 2023 avec mon collègue Christophe Béchu. Près de trois quarts des Français consomment dans des zones commerciales qui sont aujourd’hui pour beaucoup composées de passoires énergétiques, véritables « impensées » des politiques publiques depuis des décennies. Nous sommes en train de travailler sur la manière dont nous pourrions réaménager ces zones pour en faire des espaces de vie, de vrais quartiers, tout en répondant mieux à cette nécessité de réintroduire de la biodiversité dans des zones qui sont pour la plupart extrêmement bétonnisées.

Le nouveau cadre du statut des indépendants mis en place en 2022 avait valu au Président de la République un accueil très applaudi par les instances professionnelles. Peut-on dresser un bilan rapide des principaux points de cette réforme qui sont depuis entrés en vigueur ? Allez-vous y apporter votre brique ?

Dans le prolongement des mesures prises au début du premier quinquennat et de la loi Pacte, dont j’étais présidente de la commission spéciale, le plan annoncé par le Président de la République il y a tout juste deux ans a instauré dès 2022 un cadre juridique, fiscal et social plus simple et protecteur en faveur des indépendants. Avec ce plan, qui a permis la création d’un statut unique de l’entrepreneur individuel et assuré une meilleure protection de son patrimoine personnel, mais aussi l’amélioration et la simplification de la protection sociale des indépendants, pour ne prendre que quelques exemples. Ces mesures ont été enrichies par le vote d’une baisse des cotisations des indépendants dans la loi Protection du pouvoir d’achat de l’été 2022.

Mais si ces réformes ont amélioré l’environnement des indépendants, plusieurs sujets restent ouverts pour eux et elles que je souhaite porter, notamment parce que de plus en plus de jeunes souhaitent se lancer dans l’entrepreneuriat. C’est le rôle de la puissance publique d’accompagner ces changements dans le monde du travail et de sécuriser la situation des indépendants dans chacun des pans de leur vie.

Photo d'Olivia Grégoire en visite

Vous êtes sensible à un sujet dont on parle peu dans le débat public, la santé mentale des entrepreneurs. Pourquoi y portez-vous une attention particulière ?

Comme je vous le disais, être entrepreneur c’est prendre son risque, c’est aussi être seul face à tout : la paperasse administrative, les factures, la gestion de comptes… Mais c’est aussi être seul face aux crises ou quand votre boîte traverse une mauvaise passe. Depuis 2019, nos entrepreneurs font face à un enchaînement de crises qui pèsent sur leur moral : les gilets jaunes, la pandémie, les prix de l’énergie, l’inflation, les manifestations et maintenant les émeutes.

Ce n’est pas parce qu’ils résistent, qu’ils se battent, que ça veut dire qu’ils ne sont pas fatigués de tout cela. Je suis allée à la rencontre de plusieurs commerçants impactés par les émeutes et c’est la première fois qu’on me dit « j’ai envie de tout arrêter ». On ne peut pas s’y résoudre et c’est bien pour cette raison que je compte travailler avec des professionnels de la santé mentale pour faire émerger des propositions sur le sujet.

Et dans un autre registre tout aussi humain, comment votre ministère favorise-t-il les entrepreneurs en situation de handicap que vous rencontrez régulièrement, notamment à travers l’association H’up ?

La dynamique de la création d’entreprises en France est excellente, puisque le record de 2021 a été battu en 2022, avec plus d’un million de créations d’entreprises. L’association H’up réalise, avec ses 400 bénévoles, un travail remarquable auprès des porteurs de projet en situation de handicap, en leur proposant un accompagnement personnalisé pour accélérer leur projet de création d’entreprise, accéder à des ressources spécialisées, et être intégrés dans une communauté d’entrepreneurs.

L’Agefiph apporte aussi sa contribution avec des subventions jusqu’à 6 300 euros, moyennant un apport de 1 500 euros qu’un réseau de financement tel que l’Adie est en mesure de soutenir, via le microcrédit. Les personnes en situation de handicap qui souhaitent entreprendre bénéficient en outre des dispositifs de droit commun. L’État a confié à Bpifrance la mission de structurer et de soutenir l’écosystème des 25 réseaux d’accompagnement à la création d’entreprise afin de proposer à tous les créateurs d’entreprise une offre de service intégrée, qui va de la sensibilisation, au conseil sur le projet, au financement, jusqu’au suivi pendant les trois premières années de l’entreprise. Près de 150 000 personnes ont ainsi été accompagnées et financées en 2022.

De nombreux dirigeants, commerçants et artisans font face à des difficultés lorsqu’il s’agit de trouver un repreneur pour leur entreprise. C’est un enjeu majeur pour l’activité économique et l’emploi dans nos territoires. Comment soutenir les dirigeants dans cette démarche et faciliter la transmission d’entreprises ?

La transmission d’entreprises est un sujet d’importance majeure pour notre économie. Les chiffres de la démographie sont clairs : 25 % des dirigeants d’entreprises dépassent 60 ans et 11 % les 66 ans. Selon les dernières estimations de CCI France, 350 000 entreprises seront à reprendre d’ici à dix ans. Les enjeux en termes de préservation des emplois, des savoir-faire et des grands équilibres territoriaux se révèlent donc essentiels. C’est, pour certaines entreprises, un enjeu de survie.

Au cours des dernières années, de nombreuses évolutions des dispositifs ont été mises en place afin de renforcer les incitations à la transmission d’entreprise, dans le cadre familial ou dans le cadre d’une cession-reprise. Néanmoins, les dispositifs ne sont pas assez connus ou pris en main par les acteurs. J’ai donc lancé des travaux pour recueillir la vision des entreprises et des grands acteurs de l’entreprenariat sur le sujet. Je souhaite rassembler toutes les bonnes idées pour dynamiser la transmission d’entreprises et apporter ensemble les meilleures réponses à ce défi.

Cette rencontre avec Olivia Grégoire est à retrouver dans son intégralité dans le premier numéro de Choiseul Magazine, disponible en kiosque depuis le 25 octobre 2023.