Impact, attraction, emploi, industrialisation, Brexit… Choiseul Magazine s’est entretenu avec Yann Pitollet, Directeur général de Nord France Invest, l’agence de promotion économique de la région Hauts-de-France.
Quels sont selon vous les atouts principaux de la région pour attirer les investisseurs étrangers ?
Plusieurs atouts peuvent être cités, qui tracent selon moi une évidence.
Premièrement, la région dispose d’une localisation géographique exceptionnelle, à proximité des ports, transports ferroviaires et aériens. La mobilité des personnes et des marchandises y est facilitée. Sa place unique en Europe lui permet d’être proche de plus 80 millions de consommateurs, de multiples nationalités (France, Bénélux, Royaume-Uni, Allemagne…) dans un rayon de 300km.
Par ailleurs, les Hauts-de-France offre une main d’œuvre disponible dans de nombreux types de postes. La région a une capacité certaine à délivrer les compétences dont ont besoin les entreprises, à tous les niveaux de qualifications : ingénieurs, opérateurs, managers… Cela est lié à une forte concentration de jeunes (la région ayant la population la plus jeune de France), mais aussi par un nombre important de demandeurs d’emplois, qui peut être vu comme un atout pour les entreprises qui disposent d’une main d’œuvre disponible plus importante par rapport à d’autres régions. Enfin, les outils de formation y sont très adaptés puisque nous sommes la première région française en nombre d’organismes professionnels. Dotée de nombreuses écoles d’ingénieurs, écoles de commerce et universités, la région propose aussi des programmes de prise en charge de formations pré-recrutement permettant d’adapter les compétences du demandeur d’emploi aux qualifications attendues par l’entreprise. Evidemment, comme partout, certains métiers restent en tension, mais les Hauts-de-France ont tout de même certains atouts considérables en comparaison à d’autres régions.
Tous ces atouts font la force de la région qui attire des entreprises de toutes tailles : startups, scale-ups mais aussi multinationales – je peux citer IBM qui y a créé un centre de développement en 2014 et a recruté 700 personnes dans les métiers de l’IT (techniciens, bac+2 et bac+3). De même pour Amazon qui prévoyait de recruter 500 personnes en CDI sur son site de Douai (jusqu’à 2000 avec les intérimaires en période de pointe) et embauche aujourd’hui 1800 personnes en CDI. Par ailleurs, l’ouverture d’autres entrepôts dans la région a montré l’intérêt de l’entreprise pour cette localisation. Le territoire est donc capable de s’adapter à tous types de besoins, c’est notre force !
Nous pouvons compter de surcroit sur des écosystèmes favorables, par la présence de fournisseurs et de sous-traitants sur le tout territoire, qui sont indispensables au développement des entreprises. Ce genre d’écosystème est particulièrement adapté dans une région qui est dotée de leaders dans de nombreux domaines comme la santé, la logistique, le ferroviaire et l’automobile, pour ne citer qu’eux. Les entreprises ne peuvent pas s’épanouir seules sur les territoires et la présence de ce type d’entreprises plaît aux potentiels investisseurs. Les coûts y sont aussi compétitifs, notamment en termes de rémunération par rapport à l’Allemagne ou les Pays-Bas, au même titre que les coûts fonciers qui y sont bas, foncier d’ailleurs bien plus disponible que dans d’autres régions concurrentes.
Les Hauts-de-France sont la deuxième région après l’Ile de France en termes d’accueil d’investissements étrangers et la première région d’accueil de projets industriels en France. Les entreprises étrangères représentent 30% des emplois industriels dans la région et 10% de l’emploi total. C’est une singularité des Hauts-de-France que d’être à ce point mobilisés pour l’attractivité des investissements étrangers.
Quelles sont vos méthodes pour sensibiliser les investisseurs et les aider à s’installer ?
Il faut commencer par détecter les entreprises qui ont des projets, par de la prospection et du marketing. Une fois ces entreprises détectées, il s’agit de les aider à s’installer, par de l’ingénierie de projets. Pour ce faire, nous combinons de nombreux outils et méthodes. La prospection ou outbound marketing : il s’agit ainsi de contacter ces personnes par mail et téléphone après une analyse de leur profil. Le web marketing ou inbound marketing, pour que les entreprises viennent à nous : achats de mots clés sur internet, campagnes sponsorisées sur Linkedin, production de contenus à forte valeur ajoutée (outils pour trouver le lieu idéal pour s’implanter, livres blancs…). La troisième méthode est l’organisation d’évènements : des séminaires à l’étranger, des webinaires d’information sur des sujets porteurs comme par exemple le futur de l’e-commerce en Europe. Enfin, l’utilisation des réseaux prescripteurs est un canal efficace : des avocats, des banquiers, des bureaux d’études, qui nous renseignent sur les entreprises potentiellement intéressées, mais aussi un réseau générationnel dynamique comme le Choiseul Hauts-de-France.
Enfin, NFI est partenaire de Business France puisque nous sommes leur « représentant Hauts-de -France ».
Le Brexit a-t-il eu un impact sur l’attractivité des Hauts-de-France ?
Nous n’avons pas encore vu un mouvement massif d’entreprises britanniques vers les Hauts-de-France. On trouve à cela une explication : les entreprises ayant quitté le Royaume-Uni sont majoritairement des entreprises financières qui se sont donc tournées vers la région parisienne, ou du secteur de la santé qui ont choisi Amsterdam, proche de l’Agence Européenne du Médicament. Il n’y a donc pas encore de mouvement massif d’entreprises britanniques dans les autres régions françaises.
Par ailleurs, les Britanniques ayant été largement impactés par le COVID, aujourd’hui le Brexit leur pose des difficultés opérationnelles : problèmes d’approvisionnements, problèmes de recrutement. Ainsi, ils ne sont pas vraiment disponibles pour des stratégies d’implantation européenne, les restrictions de circulation n’aidant pas à aller au bout des projets.
Les Hauts-de-France ont longtemps été la région la plus industrialisée de France. La réindustrialisation est aujourd’hui portée comme une nécessité économique et une politique sociale. Comment envisagez-vous ce rôle « social » de NFI ? Vous pensez-vous comme un acteur de la cohésion sociale ?
Lorsque l’on implante une entreprise dans des villes de taille moyenne, dans des territoires assez éloignés des grandes métropoles, en plus de créer de l’emploi, nous apportons aux habitants la possibilité de rester connectés à la société. C’est ce en quoi réside notre mission qui n’est pas purement comptable : c’est en effet une mission de cohésion. Et c’est l’un des objectifs qui nous est fixé par la Région Hauts de France.
Par exemple, l’implantation d’une entreprise comme Clarins pourrait permettre la création de 300 emplois de façon directe, ce qui a un impact visible sur la courbe de chômage et aura forcément un impact général sur la population locale.
Pour leur part, les investissements étrangers ne vont pas uniquement dans les capitales : 40% des investissements étrangers se dirigent vers de villes de moins de 20 000 habitants en France. Un des objectifs de NFI est de continuer en ce sens et d’implanter des entreprises dans tous les territoires. C’est pourquoi dans nos ciblages de prospection, nous choisissons des entreprises œuvrant dans des secteurs d’activité dont les besoins seront adaptés à une large gamme de territoires (ruraux, péri-urbains, urbains) et pas seulement à des centres métropolitains.