Quelle trajectoire pour la modernisation de l’économie éthiopienne ?

Publié le 05 juillet 2021

Si le pays semblait engagé dans un processus de transformation et de modernisation, cette dynamique de transition semble aujourd’hui marquer le pas avec de fortes tensions politiques et militaires intérieures. Un moment de flottement et d’instabilité qui soulève de nombreuses questions. 

Le développement massif de Zones Économiques Spéciales (ZES), abritant des parcs industriels un peu partout en Ethiopie, est un enjeu clé de la nouvelle dynamique économique du pays. Tout est fait pour y drainer l’activité de firmes transnationales, mais trop peu semblent s’y intéresser, y voyant plus d’inconvénients que davantage. Or sans investissement privé étranger, le développement économique et industriel du pays est considérablement retardé. Un cercle vicieux dont l’issue peine à apparaître. 

Industrialiser ou périr

A Adama, à 100km au sud de la capitale Addis Abeba, les hangars de tôle brûlante et le bitume fondant des autoroutes côtoient chemins de terres défoncées et voies ferrées laissées à l’abandon. Un spectacle symptomatique de la difficulté du pays à proposer rapidement et massivement des infrastructures opérationnelles aux entreprises qu’il souhaite attirer. Sur les 19 hangars créés dans le parc industriel d’Adama, seuls 5 sont occupés, tous par la même entreprise, le fabricant de textile chinois Antex. Si son patron, Alex Lyu, a consenti à faire avec les coupures d’électricité et l’absence d’eau potable, en raison du dumping fiscal permis par la ZES et du faible coût de la main d’œuvre, ils ne sont pas assez nombreux à faire ce choix, au goût d’Abdela Gebo, le directeur du site qui explique que “ces parcs ne sont pas assez rentables.” Mais sans le secteur privé, l’Etat Ethiopien, déjà couvert de dettes, n’a pas les moyens d’améliorer le fonctionnement de ces espaces, pourtant essentiel à l’emploi dans le pays. 

Les ZES emploient 80 000 personnes. A Adama, Amtex emploie à elle seule 5 000 personnes. Mais avec des salaires de 23 euros par mois en moyenne et un taux d’inflation à deux chiffres qui fait doubler les prix des biens et services de premières nécessité, les habitants peinent à obtenir des conditions de vie décentes. Une situation qui, couplée à l’instabilité politique et aux conflits, militaires, met en évidence les difficultés de l’Ethiopie à s’imposer comme l’acteur majeur du développement du continent africain qu’il était il y a encore deux ans. 

L’Ethiopie, toujours tigre de l’Afrique ? 

Alors que le pays affichait en 2019 un taux de croissance supérieur à 10%, la crise du Covid-19 et la lenteur de son développement, notamment dans le secteur des télécommunications, ont agi comme un frein puissant, qui fait entrevoir aux investisseurs davantage de risques que de bénéfices. Certains groupes, comme Orange ou Bolloré, poursuivent toutefois leur action en misant sur le futur. Mais ils sont trop peu nombreux pour pallier la sur-dette et lancer une dynamique suffisamment forte pour mettre fin aux conflits régionaux qui ravagent le pays. Ces deux éléments ont d’ailleurs eu raison de la bonne note économique distribuée par les agences Moody’s ou Fitch, symbole de la perte d’influence et de leadership du pays en tant que tigre de l’Afrique.

Gageons que les élections générales qui se sont tenues le 21 juin dernier et dont le premier ministre actuel Abiy Ahmed, Prix Nobel de la Paix en 2019, est présenté comme l’immense favori malgré les fortes critiques et l’instabilité dans le pays, permettront à l’Ethiopie de trouver un équilibre dans sa croissance, entre modernisation industrielle et développement humain.