L’Etat a décidé de durcir le ton face aux effets de la pandémie sur l’économie française. Protéger les fleurons industriels du pays devient l’un des enjeux majeurs de cette crise, qui a entraîné une prise de conscience générale sur la nécessité de protéger les filières et industries stratégiques.
Afin de se protéger de la concurrence, parfois féroce, d’investisseurs étrangers, l’Union européenne avait sommé les Etats membres de prendre les mesures nécessaires pour éviter que les fleurons industriels européens se retrouvent sous pavillon étranger suite à la crise. De fait, le gouvernement français a appliqué le souhait de la Commission européenne à la lettre : de nombreux secteurs sensibles ont été ajoutés à la liste des domaines nécessitant une autorisation préalable en cas de prise de contrôle par des intérêts étrangers. C’est le cas notamment de la sécurité alimentaire, de la cybersécurité et des semi-conducteurs.
Une augmentation des contrôles des investissements étrangers depuis 2019
En 2019, la direction générale du Trésor avait comptabilisé 216 opérations soumises à la procédure de contrôle des investissements étrangers, ce qui représentait 15% du flux total des investissements étrangers dans l’Hexagone. La crise est passée par là, et les directives données par l’exécutif s’apparentent de plus en plus à une nouvelle forme de gouvernance économique, assumant une intervention dans les cas où les intérêts nationaux sont concernés. Dès lors, les chiffres divulgués pour l’année 2020 sont biens supérieurs à ceux de 2019. En effet, ce n’est pas moins de 275 opérations qui ont été soumises à cette procédure spéciale, soit 23% des 1 215 décisions d’investissements étrangers. Business France a recensé que la majorité de ces investissements provenaient des Etats-Unis, du Royaume-Uni ou encore du Japon.
Cette procédure concernait avant tout le secteur de l’armement, avant l’introduction par le décret Montebourg en 2014 de secteurs comme l’énergie, les transports et la santé. Désormais, cela concernera également la sécurité alimentaire, la cybersécurité, l’intelligence artificielle ou les semi-conducteurs. Si cette mesure n’est pour l’instant que temporaire, il se pourrait bien qu’elle se proroge au-delà de la date prévue de fin 2021. Surtout dans un contexte de campagne présidentielle où les enjeux de souveraineté économique et industrielle pourraient prendre une place importante.
Alors que l’année 2020 a été marquée par une crise inédite, la France a fait mieux que résister en matière d’investissements étrangers avec :
⁰👉 1215 décisions d’investissements
⁰👉 34567 emplois maintenus ou créés
⁰👉 Investisseurs de 60 pays https://t.co/uLchnen8qX— Business France (@businessfrance) February 26, 2021
Un renforcement des contrôles qui ne causerait pas plus de refus d’investissement
Si la procédure d’investissement sur le territoire français devient légèrement plus complexe par ces décisions, il n’en demeure pas moins que ceux-ci ont été très importants malgré la crise, et les refus restent très minoritaires. Le but poursuivi par le gouvernement est de conserver l’attractivité du pays tout en protégeant des secteurs d’activités stratégiques comme la pharmaceutique ou le médical, particulièrement soumis aux critiques depuis le début de la crise. L’Etat hésite ainsi de moins en moins à utiliser son pouvoir de veto sur les transactions ayant cours. Ce fut notamment le cas dans l’affaire du rachat du spécialiste de la vision nocturne, Photonis ou encore avec l’acquisition de Carrefour par le distributeur canadien Couche-Tard.
L’Etat entend ainsi imposer aux acteurs économiques des contreparties. Parmi celle-ci, l’exécutif souhaite que les investisseurs s’engagent à maintenir les activités existantes sur le territoire. Au niveau européen, les pouvoirs publics agissent également en ce sens en renforçant la communication d’informations entre les différents Etats membres afin de favoriser les intérêts nationaux qui peuvent exister dans de telles opérations de rachat. Le début d’une révolution philosophique pour l’économie européenne ?