À l’occasion de la journée mondiale de l’eau le 22 mars dernier, l’Institut Choiseul a publié, sous la plume de Jean-François Daguzan, une nouvelle Note Stratégique consacrée aux enjeux économiques et industriels liés à l’eau, dont voici une synthèse.
L’accès et la maîtrise de l’eau (à savoir disposer d’une ressource exempte de risque sanitaire pour les humains et d’une continuité pour l’industrie et l’agriculture) est un des enjeux majeurs pour aujourd’hui et bien plus encore pour le futur. Par ailleurs, la propriété de cette ressource peut être, au niveau local, l’objet de litiges et de tensions et, au ni-veau international, source de disputes, voire de conflits. Subsidiaire-ment, c’est aussi un enjeu politique et de souveraineté pour la France qui dispose des seuls champions globaux dans ce domaine industriel stratégique. Cette ressource est, qui plus est, affectée par les risques systémiques (changement climatique, pollution, croissance démographique et urbanisation massive) et, dans une moindre mesure, par les menaces chimiques et biologiques. Des experts ont également évoqué le risque de « guerres de l’eau ».
Face à ces difficultés croissantes à l’horizon d’une vie d’homme, la gestion fine de l’approvisionnement va donc être au cœur du développement avec, en perspective, d’énormes besoins de régulation, dépollution, lutte contre le gaspillage, accès à une ressource garantie en quantité et qualité et portée par des énergies renouvelables. Pourtant, la recherche des économies sur l’acheminement et le traitement de l’eau et de ses déchets est encore le parent pauvre de la lutte contre le « Climate Change ». En 2016, les investissements dans ces domaines n’ont représenté que 2,6 % des 455 milliards investis dans la lutte contre le changement climatique. Ce sont donc de considérables perspectives qui s’ouvrent pour les cinquante prochaines années à l’échelle mondiale.
Pour répondre à ces gigantesques besoins, les industriels de l’eau sont en première ligne. Cependant, le marché de l’eau est un marché complexe. Il exige des savoir-faire particuliers sur une gamme étendue (infrastructures, technologies, digital, traitement et approvisionnement) appuyée sur de nouveaux modes de gouvernance et de nouveaux modes de financement. Ce n’est donc pas tant la dimension technologique qui le distingue d’autres marchés que la capacité de l’entrepreneur à intégrer des compétences multiples. Or, sur la scène industrielle mondiale de l’eau, on retrouve essentiellement des sociétés contrôlant des briques de compétence et, finalement, très peu d’intégrateurs ou d’entreprises présentes à la fois sur tous ces chaînons. Le savoir-faire global est peu partagé et les concurrents à venir – comme les entreprises chinoises – accusent un retard qui ne sera pas comblé avant longtemps.
Dans cet univers éclaté, la France, seule, dispose d’un écosystème industriel varié et de qualité, mais aussi d’une gouvernance efficace. Elle est le seul pays au monde à disposer d’une palette d’acteurs – du plus petit au plus grand : un faisceau de PME / start-ups spécialisées, un acteur national reconnu (Saur) et deux champions mondiaux (Suez et Veolia) capables de se déployer partout dans le monde. Ces deux dernières entreprises assument chacune la maîtrise intégrale de la chaîne de conception-traitement-approvisionnement sur le plan mondial. Elles sont aussi aujourd’hui à la pointe de la technologie et disposent d’une capacité d’innovation et d’un savoir-faire inégalés.
Alors que le modèle industriel français a été fortement malmené ces dernières années par la mondialisation et les restructurations, le secteur de l’eau affiche une remarquable santé. Les perspectives de croissance du secteur sont colossales. Ce domaine est donc un atout majeur pour la compétitivité globale de la France. Les deux entreprises françaises de l’eau constituent également un facteur de développement pour les territoires, un atout pour l’emploi et un booster de la recherche et de l’innovation. Au niveau européen, cette saine compétition s’inscrit également dans le mouvement du Green Deal lancé par l’Union européenne, qui appelle un espace de R&D et d’innovation le plus ouvert possible.
La coexistence des deux opérateurs constitue aussi certainement un facteur de souveraineté pour la France qui peut utiliser ces champions nationaux dans une véritable politique d’influence et de rayonnement.
Au bout du compte, demeure une évidence qu’il convient de marteler : Pas d’eau sans industriel de l’eau ! Au vu de ces défis posés par un monde de plus en plus complexe, concurrentiel et, à bien des égards, conflictuel, la France doit être armée avec des champions de haut ni-veau proposant une offre à la fois diversifiée et ciblée à haute valeur ajoutée.
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