Depuis plus d’une semaine, Tunis est en proie à des émeutes nocturnes qui ont opposé la jeunesse tunisienne aux forces de l’ordre. Le mois de janvier, dans la mémoire collective du pays, est le mois des luttes sociales et démocratiques et le 14 janvier, à l’annonce du confinement par l’Etat, des milliers de jeunes, en majorité issus des quartiers défavorisés, ont exprimé leur frustration lors de grandes manifestations qui ont parfois dégénéré.
Le Premier ministre Hichem Mechichi s’est exprimé lors d’un discours télévisé cinq jours après le début des émeutes. Il y a déclaré que « La crise est réelle et la colère est légitime et les protestations aussi, mais la violence est inacceptable et nous y ferons face avec la force de la loi ».
Une réponse sécuritaire à des revendications économiques ?
Pour maitriser les débordements, l’Etat a autorisé les forces de l’ordre à user de gaz lacrymogènes et l’armée a été déployée dans les régions de Bizerte, Sousse, Kasserine et Siliana. Mohamed Zikri, porte-parole du Ministère de la défense, affirme qu’il s’agit de « protéger les bâtiments publics”. Depuis que les classes moyennes se sont jointes aux manifestations, l’émeute s’est nichée au cœur de la capitale et les arrestations se font plus nombreuses. Plus de 632 personnes ont été interpellées selon le porte-parole du ministère Khaled Hayouni.
Depuis les élections de 2019, le gouvernement de Kaïs Saïed a vu se succéder trois chefs de gouvernement en seulement neuf mois. Une instabilité politique qui s’ajoute au manque de perspectives économiques, laissant présager un recul de 9% du PIB en 2021. Et ce sont les jeunes qui en souffrent le plus : 36% des 15 à 29 ans n’ont pas d’emploi. La crise sanitaire a d’ailleurs fini de plonger le pays dans la précarité avec l’augmentation globale des prix et la défaillance des services publics.
Les révoltes actuelles font l’objet de rapprochements et de comparaisons nombreuses avec les insurrections qui ont mis fin au régime autoritaire de Ben Ali. Malgré les similitudes, les revendications ont changé, les récentes émeutes sont dues à “la colère parmi les jeunes, notamment parce que les onze gouvernements qui se sont succédé n’ont pas eu de stratégie pour répondre à la question centrale de l’emploi », souligne Olfa Lamloum (directrice de L’ONG International Alert en Tunisie).