Alors que le bilan économique de la pandémie mondiale s’aggrave de jour en jour, de nombreuses voix appellent à faire de la transition écologique le nouveau moteur de la relance. Le secteur de l’immobilier ne déroge pas à cette dynamique. En effet, la nécessaire rénovation énergétique des bâtiments est une problématique de premier plan depuis maintenant plusieurs années. Cette crise peut-elle devenir une opportunité et permettre d’accélérer la transition écologique dans ce secteur ? Nous nous sommes entretenus avec Vincent Bryant, co-fondateur de Deepki, qui propose d’accompagner la transition environnementale des parcs immobiliers avec une solution innovante, alliant big data et intelligence artificielle.
Tout l’enjeu sera dans les prochains mois de s’assurer que les moyens délivrés par le plan France Relance seront fléchés sur les sujets ayant le meilleur impact.
- Avez-vous perçu des opportunités liées aux questions ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) dans l’immobilier pendant la situation covid-19 ?
Il y a même un avant et un après crise de la Covid-19 dans le secteur de l’immobilier, et en particulier en ce qui concerne l’ESG. Mais pas pour les mêmes raisons. Si, en effet, la crise, avec sa première manifestation sensible pour l’immobilier des mesures de confinement un peu partout en Europe, a généré une poussée de renégociations avec les preneurs à bail des locaux commerciaux et un ralentissement des projets neufs, elle a aussi amené les acteurs à se projeter dans le monde de demain et en particulier, sur la prise en compte des enjeux ESG.
Symptôme ou diagnostic prémonitoire, s’il en est, du Président-directeur général du leader mondial de la Finance, Larry Fink de BlackRock qui affirmait dans son courrier aux Président-directeur généraux de ses participations en janvier dernier, juste avant la révélation de la pandémie, que “le risque climatique était un risque d’investissement” et que “le développement durable […] peut apporter de meilleurs retours sur investissements ajustés aux risques.”
Ainsi, de nombreux investisseurs mondiaux considèrent déjà et de plus en plus que la prise en compte des enjeux ESG est un critère de choix d’investissement et d’arbitrage, mais encore plus un passage obligé pour éviter de se retrouver dans quelques années avec des actifs en portefeuille en défaut de liquidité.
À cela s’ajoute le remède des États protecteurs contre la crise économique à pleines doses de plans de relance et de réglementations plus coercitives sur les questions justement ESG (Ley del Cambio Climatico en Espagne, le label ISR en France par exemple).
Doit-on en conclure que l’économie de demain sera guérie à grand renfort d’ESG ? ce n’est pas encore sûr. Ce qui l’est en revanche, c’est que l’on ne pourra plus faire sans.
- Comment avez-vous réussi à extraire du positif pour votre entreprise et vos équipes durant cette période ?
Tout d’abord, en observant l’extraordinaire résilience des équipes de l’entreprise qui, en prise avec un mal nouveau, sans précédent et anxiogène, ont su garder la tête froide, nous faire confiance et continuer la lutte pour l’amélioration de l’empreinte environnementale de nos clients.
Ensuite, devant l’étonnante mobilisation de nos clients pendant la première période de confinement. Nous nous attendions à assister à une activité très faible presque comateuse et que nenni ! De chez eux, avec parfois leur propre matériel informatique et télécom personnel, les clients ont continué à agir, à analyser leurs consommations d’énergie et d’eau, et à monitorer la performance ESG de leur patrimoine. À l’exception des secteurs de la distribution et de la santé trop occupés à survivre ou à répondre à la crise sanitaire, tous les autres secteurs ont été très mobilisés pendant les semaines de confinement.
Enfin, en observant la prise en compte de plus en plus systématique des dimensions ESG dans les choix de nos clients et du marché. La création de fonds à impact (Zaist Capital, Talence Gestion, La Mutualité Français, etc.), l’émission de nouveaux Green Bonds (après la France, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, c’est au tour du Royaume-Uni), ou encore l’adoption par de grands acteurs de l’immobilier de politique ESG ambitieuse (Generali RE, La Française REIM, etc.) sont autant de manifestations symptomatiques qui offrent des occasions d’extraire du positif de la situation.
- Selon les annonces, en France, 9 milliards d’euros seront consacrés, sur deux ans, à l’industrie-énergie. Au total, 30 milliards seront dédiés à la transition écologique. Qu’attendez-vous de ce plan pour la transition environnementale et comment voyez vous le secteur évoluer ?
Le plan France Relance est évidemment une bonne nouvelle. Il y a nécessité suite à la crise sanitaire de relancer l’économie bien sûr, et c’est une formidable opportunité d’orienter l’économie du pays dans une direction plus durable, qui prennent en compte la prochaine génération ; car en effet, qu’est-ce que préserver l’environnement, sinon s’occuper des générations futures ?
On ne peut cependant traiter tous les sujets avec la même énergie et les mêmes moyens, sauf à tomber dans des mesures trop homéopathiques. Il faut donc traiter la maladie principale dans un premier temps et faire le moins de mal possible sur les autres affections. C’est d’ailleurs tout l’enjeu de la Taxonomie Européenne : disposer d’un cadre commun cohérent pour évaluer le degré d’impact environnemental d’un investissement tout en priorisant les actions à mener. Une bonne place y est faite à la lutte et l’adaptation au changement climatique, tout en s’assurant de faire le moins de dommages possibles sur les autres sujets environnementaux (Do No Significant Harm).
- Comment, selon vous, le plan France Relance peut lutter efficacement contre le changement climatique ?
Pour l’immobilier, le changement climatique est clairement le sujet de premier ordre, et la rénovation énergétique fait partie intégrante de la prescription. Tout l’enjeu sera dans les prochains mois de s’assurer que les moyens délivrés par le plan France Relance seront fléchés sur les sujets ayant le meilleur impact. Ainsi, c’est un véritable ordre de mérite qu’il sera nécessaire d’établir afin de favoriser les investissements financés par France Relance qui apporteront le plus d’impact pour réduire les émissions de CO2. Pour un euro de relance investi, comment peut-on optimiser la lutte contre le changement climatique ? C’est la question à laquelle, nous espérons, les pouvoirs publics s’astreindront en évitant tout clientélisme. La part de ces financements dans les énergies renouvelables sera un bon thermomètre de la prise en compte de critères objectifs construits sur des bases scientifiques et non politiques.