Une frappe française au Mali interroge et entraîne des accusations de bavure

Publié le 11 janvier 2021
Daily life of french soldiers of barkhane military operation in Mali (Africa) launch in 2013 against terrorism in the area. During 4 months, 32 soldiers live together in the desert. Ansongo - Mali - December 2015. Reportage sur le quotidien des soldats du détachement de liason et d'appui opérationnel (DLAO) basé à Ansongo dans le cadre de l'opération militaire française "Barkhane" lancé en 2013. Pendant 4 mois, 32 militaires vivent ensemble dans un petit camp au sud du pays. Ansongo - Mali - Décembre 2015.

Ce dimanche, plus de vingt personnes ont trouvé la mort à l’occasion d’un mariage à Bounti, au Mali. Accusée de bavure, la mission Barkhane, qui opérait dans cette zone située entre Mopti et Hombori pour lutter contre des groupes djihadistes, s’est vite retrouvée au coeur des interrogations. 

Il a fallu peu de temps avant de voir l’information se propager sur les réseaux sociaux. Alors que l’alerte d’une attaque sanglante a été donnée par l’association de défense de la culture peule, Tabital Pulakuu, et confirmée par des témoignages recueillis par l’Agence France-Presse, son origine reste un mystère. 

Plus de vingt morts et une guerre d’information

Si la lutte antidjihadiste se poursuit au Mali pour Barkhane, le combat s’est aussi déplacé sur la toile qui a vu naître une vague d’indignation à son encontre, alors qu’aucune image ou vidéo n’est venue appuyer les faits à ce jour. L’armée française, qui a présenté un démenti, explique que ces messages ont pour origine des sites hostiles à la France.

Pour “neutraliser” un groupe terroriste, Barkhane soutient que deux Mirages 2000 ont réalisés des frappes à l’ouest d’Hombori dans la zone de Ferendi. “L’environnement observé n’a montré ni scène de mariage, ni enfants ou femmes. Tous les renseignements recueillis en direct justifiaient que les cibles neutralisées étaient des objectifs militaires confirmés”, a justifié l’État-major français dans un communiqué. Une version qui diffère quelque peu de celle rapportée par des villageois, affirmant la présence de civils au même moment et dans le même secteur.

Selon ce même communiqué, l’armée française a procédé à l’identification du groupe djihadiste en fonction “du comportement des individus, des matériels identifiés ainsi que du recoupement des renseignements collectés” et a ordonné “une frappe ciblée à 15h00 locale”, “à plus d’un kilomètre au nord des premières habitations de Bounti”. Faute d’informations ou par crainte d’attiser la haine, l’armée française refuse d’apporter plus de précisions et martèle le fait “qu’aucun hélicoptère [n’ait] été engagé au cours de cette action de combat”. 

Même si l’armée française exclut “la possibilité d’un dommage collatéral” en raison des dispositions prises en amont et en aval de l’opération, les explications de Barkhane interrogent encore. Côté malien, l’implication des forces armées n’est également pas écartée. Quoi qu’il en soit, en l’absence d’éléments concrets, cette situation tragique fait l’objet de nombreuses conjectures. Une confusion, qui selon le chercheur Elie Tenenbaum, spécialiste du Sahel à l’Ifri, profite aux groupes armés terroristes (GAT), conscients de l’efficacité des stratégies d’influence et des faiblesses existantes dans les démocraties.