Leader des flux entre la France et l’Allemagne, Jean-Thomas Schmitt, Directeur général d’Heppner, nous parle de la résilience de ses équipes, de son modèle managérial et de l’accélération de la transition énergétique. Autant d’atouts pour traverser la crise et faire revenir la France, avec les autres acteurs de la filière, dans le top 10 mondial des places logistiques.
- Le confinement a engendré une chute brutale de 55% de la demande. Quelles mesures de secours avez-vous prises pour encaisser ce choc ?
Nos réponses ont été de plusieurs ordres. Sur le plan sanitaire, nous avons immédiatement pris les dispositions organisationnelles et matérielles nécessaires afin de préserver la santé de nos salariés. Sur le plan plus financier, nous avons pris toutes les mesures à-même de pérenniser l’entreprise (activité partielle, PGE, reports de charges, renoncement aux dividendes…) tout en conservant malgré l’absence de visibilité, nos capacités de rebond en priorisant encore davantage nos recrutements et nos grands projets sans reporter les plus stratégiques. Pour ce nouveau confinement, les équipes sont rôdées face à la situation mais il y a une forme de lassitude et de fatigue face à une bataille gagnée qu’il faut recommencer. Je suis convaincu que notre résilience dépendra de notre aptitude managériale à mobiliser, à l’instar de la première vague, le meilleur de nos collaborateurs. Je tiens à les remercier et les féliciter à nouveau.
- La logistique a acquis une importance cruciale lors de la crise, qui a mis en lumière pour un bon nombre de Français la dépendance de l’économie entière à des chaines de distribution complexes. Comment vous êtes-vous adaptés pour assurer le bon fonctionnement de vos schémas de distribution ?
Cette crise révèle l’utilité et l’importance de notre métier. Dès le mois de mars, nous avons pris la décision de maintenir notre réseau ouvert afin d’accompagner nos clients. Il était ensuite nécessaire de favoriser la prise d’initiative de l’ensemble de nos collaborateurs pour gagner en réactivité et en proximité avec nos clients. Notre modèle managérial décentralisé, fondé sur le principe de subsidiarité, a constitué un atout majeur et nous a permis de refondre totalement notre système de production en un temps record. Nous avons ainsi pu assurer l’approvisionnement des produits essentiels, notamment alimentaires et médicaux. Par exemple, nous avons continué de livrer nos clients de l’industrie pharmaceutique (16% de notre CA) avec la même régularité, soit 7000 envois/jour incluant l’importation depuis l’Asie, en urgence, de masques qui faisaient tant défaut.
- Heppner a récemment rejoint France Logistique, association lancée en janvier 2020 visant à faire de la France un carrefour logistique compétitif en Europe, au service d’une croissance verte. Comment se matérialise votre collaboration avec France Logistique ? Quels objectifs portez-vous pour la filière logistique française ?
France Logistique est une plate-forme de coordination entre les acteurs publics et privés impliqués dans la chaîne logistique. Elle a pour objectif d’améliorer notre compétitivité et d’accélérer notre transition écologique. Ne cachons pas notre ambition. Nous souhaitons faire revenir la France dans le top 10 mondial des filières logistiques. Aujourd’hui, nous sommes au 15e rang selon la Banque Mondiale. Nous sommes convaincus que nous avons les infrastructures, les acteurs et les moyens pour y parvenir. Sous la présidence de Madame Anne-Marie Idrac, France Logistique aura le devoir de bousculer les idées reçues et de trouver des solutions innovantes. Heppner, en tant que leader des flux entre la France et l’Allemagne y apportera son expertise et sa connaissance des marchés.
Sur le même sujet, notre entretien avec Anne-Marie Idrac, Présidente de France Logistique.
- La transition écologique est devenue centrale pour le développement d’Heppner. Quels axes empruntez-vous pour la rendre concrète ?
La transition écologique est devenue centrale pour l’ensemble de l’économie mondiale. Face au dérèglement climatique, elle est une nécessité. Nous menons de nombreuses initiatives visant à maîtriser la consommation énergétique de nos activités. Nous nous appliquons à combiner les modes de transports (routier, fluvial, rail, véhicule électrique urbain, etc.) et réduire les émissions de CO2 de notre flotte de poids lourds (-12% depuis 2010). Afin d’accélérer encore davantage, nous investissons 15 millions d’euros dans la conversion de notre flotte de véhicules au GNV (25% dès l’année prochaine et 50% d’ici 2023). Et nous avons souhaité construire nos propres stations de rechargement et les mettre à disposition de nos partenaires. Comme dans la crise, le défi énergétique se gagnera collectivement.
- Comment imaginez-vous l’avenir du secteur du transport logistique, à horizon 2050 ?
Prédire l’avenir est impossible, essayons toutefois de rendre possible celui auquel nous aspirons. Il semble probable que la crise soit durable et profonde. Nous devons nous y préparer en conservant en tête que le pire n’est jamais certain, et sans insulter l’avenir plus lointain en confondant réduction des coûts et sous-investissement. Nous devons tirer les enseignements de cette épreuve pandémique et de son impact sur l’accélération des mutations déjà engagées de notre modèle économique et social. La visibilité reste restreinte, mais notre actionnariat familial s’inscrit résolument dans le temps long. Nous poursuivons ainsi nos investissements et nos recrutements les plus stratégiques. La situation me conforte dans certains choix comme celui d’accélérer notre transition énergétique ou celui de capitaliser sur notre modèle managérial basé sur l’entrepreneuriat que nous avons élevé au niveau de notre raison d’être et inscrit dans nos statuts en septembre.