À l’arrêt lors du premier confinement, le tourisme se retrouve de nouveau stoppé par la deuxième vague épidémique qui touche l’Europe. Les acteurs du secteur doivent se réinventer et s’adapter à des risques nouveaux. Technologies, offres, organisation… les leviers sont nombreux.
Première plateforme du marché à mettre en relation voyageurs et agences locales, Evaneos propose depuis plus de 10 ans une nouvelle démarche centrée sur un tourisme plus responsable. Pour Choiseul Magazine, son fondateur Éric la Bonnardière revient sur cette période délicate et nous livre sa vision du tourisme.
- Avant la fermeture des frontières au printemps dernier, le tourisme extérieur représentait 90 % des voyages. La crise de la COVID a montré la fragilité de la mondialisation par le tourisme : la croissance exponentielle des flux et l’ouverture grandissante de chaque pays aux voyageurs étrangers peut amplifier un phénomène pandémique et se retrouver à l’arrêt du jour au lendemain. Aviez-vous pris en compte un tel risque dans vos plans de développement ? Comment vous êtes-vous adapté et quelle stratégie avez-vous mis en place pour répondre à la crise ?
Non nous n’avions pas prévu de risque aussi majeur dans nos plans. Ce qui s’est passé est tellement inédit et d’ampleur que peu d’entreprises anticipent ce type de situation. En revanche, nous avons réagi très tôt au mois de février quand le virus se propageait en Chine et que les autorités fermaient leurs frontières. Sans que cela soit encore très probable à l’époque, nous nous étions posé la question d’un potentiel arrêt du trafic mondial et de ses conséquences. C’était encore très théorique mais l’exercice était intéressant. Malheureusement tout cela est devenu une réalité quelques mois plus tard.
Il y a eu une première phase entre mars et août où nous avons dû réagir pour reporter des milliers de voyages et accompagner nos agences locales à destination pour faire face à cette crise car les réservations se sont arrêtées nettes avec une reprise très timide pendant l’été. En parallèle, nous avons travaillé sur nos coûts et notre viabilité financière à long terme. La seconde phase, à partir de septembre, avec le reconfinement nous inscrivent dans un temps long et nous travaillons maintenant sur des sujets d’avenir : technologie, offre, organisation… afin d’être plus fort au moment de la reprise en 2021.
- De nombreux pays d’Europe, dont la France, optent pour un nouveau confinement de leur population. Êtes-vous contraint de modifier à nouveau votre stratégie ?
Non, nous avions pris conscience dès la rentrée que la chute des réservations était assez structurelle et qu’un reconfinement était probable. Nous avons appris donc à vivre avec cette crise sans attendre le rebond d’activité pour le lendemain. Notre secteur du tourisme repartira sérieusement lorsque le vaccin sera déployé à grande échelle.
- Evaneos s’inscrit dans une démarche de tourisme responsable. Comment cela se traduit-il dans votre offre ?
Oui effectivement, Evaneos est né il y a 11 ans du constat que le tourisme se développait depuis plusieurs décennies de manière standardisée et que l’industrie scie petit à petit la branche sur laquelle elle est assise. Nous favorisons avec notre offre un tourisme d’immersion, avec un nombre très limité de personnes, en fuyant les grosses infrastructures touristiques. C’est le principe même d’Evaneos : construire un voyage avec un local pour bénéficier au maximum de son expertise et ainsi sortir des sentiers battus. Il faut enrayer la défiance grandissante des voyageurs par les populations locales. Nous mettons en places des standards de qualité avec notre réseau d’agence locale et un certain nombre de certifications pour que les voyages bénéficient plus à l’économie locale et désengorgent les lieux de tourisme de masse.
- Evaneos se distingue par un business model innovant, qui consiste à supprimer le plus possible les intermédiaires de la chaine de valeur d’un voyage afin de réduire les coûts. Estimez-vous que ce modèle puisse devenir la prochaine norme pour le secteur ?
Certes, en réduisant les intermédiaires les voyages sont moins chers mais ce n’est pas notre principal argument de vente. Les voyageurs viennent sur Evaneos car ils savent qu’il auront accès à un expert qui connaît parfaitement la destination et saura ainsi construire un vrai voyage sur mesure. Je pense que ce modèle peut devenir la norme pour ce type de voyage très personnalisé, hors des sentiers battus, mais beaucoup d’autres modèles peuvent coexister pour d’autres types de voyages.
- Après une levée de fonds de 70 millions d’euros, Evaneos s’est implanté aux États-Unis en 2019. Comptez-vous poursuivre votre développement dans cette région ou vous concentrer pour le moment sur l’Europe ?
Nous avons pris la décision en juin d’arrêter notre développement américain en prévision d’une crise qui allait durer. Développer ce marché est coûteux et nous souhaitions jouer la prudence pour garder nos moyens sur nos marché européens historiques. Evaneos est le leader européen du voyage sur mesure en ligne et nous allons consolider ce positionnement pour l’instant. La meilleure manière de réussir en cette période est de rester concentré sur un nombre limité de projet mais nos ambitions à long terme ne changent pas.
- Comment anticipez-vous la reprise du tourisme de loisir – à quelle échéance et sous quelles formes ? Comment imaginez-vous l’avenir du tourisme, à l’horizon 2030 ?
Le tourisme repartira sans doute courant 2021 mais on ne sait pas quand. Cela dépendra du vaccin et du volontarisme politique à ré-ouvrir des corridors de voyage. Ce sera sans doute lent et destination par destination. En tous les cas, cette crise accélère quelques mouvements de fonds de notre secteur : conscience de l’empreinte touristique par les voyageurs, volonté de s’éloigner du tourisme de masse, envie de plus d’expériences uniques et de curiosité pour notre monde. Je pense qu’Evaneos a tous les atouts pour capter ces tendances.