Dans l’économie contemporaine, les lignes bougent. Les modèles d’affaires s’hybrident, les fonctions se décloisonnent, les trajectoires professionnelles s’émancipent.
Les entreprises technologiques deviennent industrielles, les industriels deviennent data-driven, les grands groupes intègrent des codes start-up et les start-up, une rigueur d’exécution digne des plus grandes ETI.
Cette dynamique d’hybridation touche aussi les investisseurs. De plus en plus de fonds de Venture Capital cherchent à accompagner leurs participations vers la rentabilité, au-delà de la seule quête d’hypercroissance. Certains modifient même leur statut juridique pour mener des opérations de type LBO ou growth equity.
Des acteurs majeurs comme Lightspeed Venture Partners ont récemment adopté le statut de Registered Investment Advisor, à l’instar de Sequoia Capital ou Andreessen Horowitz. Objectif : élargir leur spectre d’intervention à des actions cotées, des rachats secondaires, des stratégies IA ou encore des opérations de type buy-out. Ces repositionnements dessinent une convergence de plus en plus nette entre Venture Capital et Private Equity — et soulèvent, en creux, la question de l’hybridation des talents.
Car si presque toutes les frontières tombent, une seule résiste encore : celle qui sépare les professionnels issus du Venture Capital de ceux du Private Equity. Ce frein est d’autant plus surprenant que les chiffres montrent l’inverse. Selon l’étude menée par Sonnar et l’Institut Choiseul auprès de 220 talents de la tech européenne, 62 % des répondants issus de l’hypercroissance se disent intéressés par une transition vers le Private Equity. Pourtant, 81 % estiment que leur profil n’est pas spontanément considéré par les recruteurs du secteur. Un paradoxe révélateur.
Des profils issus du monde du VC taillés pour les défis du Private Equity
Les entreprises accompagnées par des fonds de Private Equity n’échappent pas aux bouleversements contemporains. Elles doivent recruter des talents rares, transformer leur culture interne, digitaliser leurs opérations, réinventer leur expérience client. Ces défis sont désormais universels. Et les profils issus de la tech sont particulièrement bien armés pour y répondre : habitués à évoluer dans des environnements instables, à piloter sous contrainte, à gérer l’hypercroissance ou les pivots stratégiques, ils combinent exigence opérationnelle, culture produit, sens du collectif et rapidité d’exécution.
Ils savent fédérer, industrialiser, innover. Ce sont précisément les qualités que recherchent les dirigeants de PME ou d’ETI en transformation.
Mais ces talents restent invisibles
Malgré cet alignement évident, ces talents ne sont pas naturellement intégrés dans les processus de recrutement du Private Equity. Leur parcours, souvent éloigné des trajectoires classiques reste perçu comme atypique, voire risqué. On leur prête une culture trop intuitive, un manque de rigueur, une méconnaissance du cadre financier.
Ce regard est doublement pénalisant. Il sous-estime les compétences acquises dans les environnements technologiques et rate une opportunité d’intégrer des profils complémentaires. D’autant que l’incompréhension est réciproque : nombreux sont les professionnels de la tech qui méconnaissent l’univers du Private Equity, l’associant à tort à une culture verticale, peu compatible avec leurs aspirations. Ce déficit de langage commun entretient la distance.
Repenser les filtres et revaloriser le potentiel
Pourtant, les signaux sont là. En 2022, une étude EY révélait que 72 % des investisseurs en Private Equity estiment que la création de valeur repose désormais d’abord sur les leviers opérationnels, et non plus financiers. C’est un basculement de paradigme. Ce qui compte aujourd’hui, ce n’est plus le pédigrée, mais la capacité à agir : construire vite et bien, faire évoluer les organisations, transmettre des méthodes nouvelles.
Les talents issus de l’hypercroissance ont justement cette culture de l’exécution.
Selon notre étude, les entreprises de la tech sont perçues comme trois fois plus efficaces opérationnellement que les sociétés de portefeuille classiques. Un différentiel qui devrait faire des profils tech une ressource précieuse pour les fonds — et non un pari risqué.
Recruter des profils issus de la scale-up, ce n’est pas renier les fondamentaux du Private Equity. C’est les prolonger d’une culture de l’exécution rapide, d’un sens affûté de l’expérience utilisateur, et d’une capacité à avancer dans l’incertitude. C’est aussi l’occasion de former ces talents à une culture plus financière, plus structurée, plus long-termiste — et de répondre à leur envie grandissante d’apprendre des meilleures pratiques du monde du PE.
Les barrières sont moins structurelles que culturelles. Elles résident dans les représentations, les grilles d’analyse, les réflexes de sélection. Le moment est venu d’élargir les filtres, de sortir des CV balisés, de valoriser les chemins de traverse.
L’économie est hybride : le recrutement doit l’être aussi
Il ne s’agit pas de répondre à une mode, mais de rester compétitifs. Dans un monde où les lignes sectorielles s’estompent, où la valeur se crée au croisement des disciplines, les entreprises accompagnées par des fonds de Private Equity ont tout à gagner à ouvrir leurs portes à ces profils hybrides. Recruter autrement, ce n’est pas affaiblir son exigence — c’est la redéfinir.
Pour en savoir plus, consultez l’étude « Briser les murs, bâtir l’avenir : l’urgence de créer des ponts entre VC et PE, une alliance pour le capital humain européen« .