Volatilités, défis et crises agitent le quotidien des dirigeants, marqué par l’imprévisibilité. Complexe, ce quotidien met sous pression performance et rôle du dirigeant pour y faire face. Le perfectionnisme et l’isolement font émerger un sujet tabou : la santé mentale des dirigeants.
De la nécessité de trouver des solutions, Emmanuelle Duez (The Boson Project, Bugali) témoigne “J’ai la sensation d’être un boxeur sur un ring. D’avoir une gueule de bois à force de prendre des coups ». Pour tenir le cap, elle explique trouver de la résilience dans son système de valeurs, de croyances et de ressources pour se projeter sur le long terme.
D’autres dirigeants adoptent des stratégies de planification à court terme dans une vision de la performance fractionnelle. Paradoxe quotidien additionnel : la décision exécutive est souvent ritualisée en entreprise en groupe, mais elle reste un acte solitaire. “Je me sens seul” revient souvent dès que les dirigeants prennent la parole en intimité. Mais l’isolement social, le perfectionnisme et la dissonance cognitive peuvent constituer des risques et un terreau d’un surmenage du Top management. Le dirigeant hyperconnecté fait rarement des coupures.
Les récits soulèvent cette tension : des frontières claires voire rigides. D’autres trouvent cette séparation quasi impossible, car leur métier et leurs équipes sont le choix du cœur. Les “retraites du silence” pour reposer ces dirigeants sur-sollicités se multiplient. Mais ce n’est que momentané. Pour prendre du recul, de nombreux dirigeants se tournent vers le collectif et la solidarité interne à leur organisation ou en externe : “comme je recrute des ressources mieux formées, je sais que je peux leur confier les clés” souligne Elissa Regnier-Vigouroux (NOO).
Ceux ayant expérimenté ces difficultés de santé mentale constatent que les signaux faibles étaient là. La prévention passe par leur identification et la mise en place de mécanismes de soutien (famille, amis, pairs ou inconnus). C’est aussi sensibiliser les dirigeants au fait que résoudre des problèmes complexes nécessitera de nouvelles ressources.
La souffrance des dirigeants est de plus en plus palpable dans cet environnement fragile et non linéaire. Il est urgent d’agir pour soutenir leur capacité à naviguer dans ces eaux troubles. À l’ère des mad skills (compétences atypiques), la singularité des dirigeants s’exprimera aussi dans cette capacité.