Pas de demi-mesures pour les semi-conducteurs !

Publié le 22 avril 2024

« En France, on n’a pas de pétrole mais on a des idées ! » : oui, mais quelles idées avait-on alors pour maîtriser notre dépendance pétrolière ?

Réduire sa consommation, diversifier et sécuriser ses approvisionnements, développer des alternatives (programme nucléaire). Aujourd’hui, confrontées au défi des semi-conducteurs[1], considéré comme l’or noir du XXIe siècle, ces mêmes idées peuvent-elles être encore efficaces ?

Réduire sa consommation ? Difficile, car les semi-conducteurs sont au cœur de la transition écologique, nécessaires par milliers à tous nos équipements modernes. Diversifier ses approvisionnements ? Difficile aussi car leur production n’est maîtrisée que par une poignée d’industriels et la quasi-totalité des micropuces de dernière génération sortent d’un triopole américain (conception par Nvidia), taïwanais (fabrication par TSMC) et hollandais (outils ASML). La Corée du sud, de son côté, avec Samsung et SK Hynix, exerce un quasi-monopole sur le segment des puces mémoires. En résumé, l’ensemble de l’économie numérique mondiale dépend aujourd’hui entièrement de Taïwan et de la Corée du Sud…

Stratégies de réponse : sécurisation et innovation

D’où la priorité largement accordée aux deux derniers volets, la sécurisation des approvisionnements (qui explique une grande partie des tensions autour de l’indépendance de Taïwan) et le développement d’alternatives, sous forme de rattrapage technologique et de production relocalisée (plans « Made in China 2025 » et « American Chips Act »).

Fait notable, même l’Union européenne assume désormais de contourner pour cela quelques-uns de ses principes fondamentaux (concurrence libre et non faussée, interdiction des aides d’Etat) : le tout récent « European Chips Act » espère en effet attirer les fonderies étrangères (TSMC et Intel en Allemagne, GlobalFoundries à Grenoble) tout en soutenant le développement de ses champions nationaux (le Franco-italien STMicroelectronics, l’Allemand Infineon ou le Hollandais NXP).

Est-ce assez ? Peut-être. Reste à voir comment cela sera mis en œuvre. Le rattrapage technologique est possible bien sûr mais il demandera a minima de lourds investissements et une stratégie durable : les fonderies européennes gravent aujourd’hui autour de 20 nm, quand l’objectif mondial est entre 1 et 2 (la puce A17 pro, équipant les IPhone 15 pro, est à 3 nm). Envisager de produire de tels semi-conducteurs interdit donc, on le comprend bien, les demi-mesures…

[1] « semi-conducteur » désigne indifféremment le matériau premier (comme le silicium) ou les composants qui en dérivent (comme les puces électroniques).