Ce qu’Elon Musk nous a appris des réseaux sociaux

Publié le 25 octobre 2023
Smartphone ouvert sur l'application Twitter

Il y a un an, Elon Musk prenait le contrôle de Twitter. Evénement tant ce réseau, depuis rebaptisé X, a incarné durant 15 ans l’idée d’un espace numérique où chacun peut se faire entendre. Cette promesse inédite, entre quart d’heure warholien et démocratie directe, a été nourrie par la démographie de la plateforme –  sur-représentant politiques et journalistes – mais lui a aussi posé une question existentielle : comment administrer la liberté d’expression de façon mondialisée et centralisée ?

Elon Musk y a répondu comme on sait, libérant toutes les paroles et conditionnant la visibilité des comptes à un abonnement payant. On peut tirer plusieurs leçons de cette année de changements radicaux.

Leçon 1 : dans le monde des réseaux sociaux, les positions dominantes sont difficiles à défaire.

Depuis un an, les déclarations de départ de X se sont multipliées, de même que les lancements de concurrents comme Threads. Le bilan à date est implacable : c’est encore sur X que chefs d’Etat et influenceurs informationnels communiquent. Un réseau social n’est pas un média : il ne dépend pas d’une audience volatile, mais fédère des communautés d’utilisateurs actifs et donc plus fidélisés.

Leçon 2 : les démocraties doivent se départir de l’angélisme supposant un souci du bien commun chez les propriétaires de plateforme.

Cet implicite avait été entretenu par une génération de dirigeants semblant soucieux de concilier leurs réseaux avec un certain progressisme, comme l’avait montré le bannissement unanime de Donald Trump après l’attaque du Capitol. Elon Musk montre qu’il ne faut pas compter sur une gouvernance sensée des réseaux, mais créer un cadre légal qui garantisse leur fonctionnement sain. Le DSA est un premier pas, et l’Europe a un grand rôle à jouer en ce sens.

Leçon 3 : il y a une contradiction fondamentale entre la quête de rentabilité des réseaux, et leur importance politique dans nos sociétés.

Les modèles économiques des plateformes permettent-ils vraiment de maintenir leur paradigme originel – usage gratuit et égalitaire – tout en garantissant les moyens d’une modération efficace ?

Les affres de Twitter / X illustrent le paradoxe de sociétés privées, à but lucratif et à finalité initialement ludique, qui se retrouvent à gérer le quasi-monopole du débat en ligne, avec les responsabilités qui en découlent. Et si l’heure était venue d’en tirer les conséquences et d’imaginer un tout autre modèle, plus en phase avec les exigences de service public que ces plateformes assument sans le dire ?

Cette tribune est à retrouver dans le premier numéro de Choiseul Magazine, disponible en kiosque depuis le 25 octobre 2023.