Florence Verzelen, le parcours d’une enfant du siècle

Publié le 20 octobre 2020

Au premier regard, elle fait penser à une héroïne sortie tout droit d’une comédie romantique anglaise. Elle a ce charme indéfinissable d’un personnage de « Coup de foudre à Notting Hill » ou de « Quatre mariages et un enterrement ». Solaire, Florence Verzelen prend la vie à bras le corps, sans doute ce qui explique une carrière déjà riche d’expériences. Une propension à toujours voir le bon côté des choses signe sa confiance en la vie. Preuve, ce défi de quitter l’énergie, secteur où, par ses études et sa formation, elle était dans son jardin, afin de rejoindre le le secteur de la High Tech en intégrant le groupe Dassault Systèmes au début de l’année 2018. À la demande de Bernard Charlès, le patron de l’entreprise.

L’aventure est aussi ce qui vient à l’esprit quand on écoute son parcours. Mais d’abord, il y a l’école Polytechnique et, ensuite, la prestigieuse « Ecole nationale supérieure des Mines de Paris » ; en disant simplement « les Mines », on sait qu’on a affaire à l’élite de l’élite en matière d’ingénieurs, l’école n’accepte que quinze candidats sur le millier qui postule. À l’X elle faisait partie des seules 15% d’élèves femmes. Aux Mines, elle est la seule de sa promo : « le pourcentage est respecté » ; elle sourit.

Ingénieure, Florence Verzelen s’est toutefois spécialisée dans l’Économie et la Finance. C’est donc tout naturellement que son premier job, en 2002, elle le trouve à la Société Générale en rejoignant les équipes basées à New York, patrie incontestée de la Finance sous toutes ses formes. Les plus géniales comme les plus détestables. La jeune Florence a le coup de foudre pour « Big Apple » et le job : « J’ai tout de suite adoré cette ville, la fantastique énergie qui s’en dégage est communicative. Et la banque d’affaires est un secteur super intéressant, même si ça va vite, très vite ». Elle y restera un an, mais l’entre-soi du monde de la Finance avec le fric comme principal « driver », ne lui suffit pas comme horizon. Alors elle rentre en France et rejoint pendant un an le grand magasin Le Printemps, propriété – à cette époque – du groupe Pinault Printemps Redoute ; devenu Kering depuis. Mais l’État, à qui elle « doit des années », comme on dit, pour prix de sa scolarité, se rappelle à son bon souvenir.

L’usage veut que le premier poste qu’on occupe comme corpsard des Mines vous envoie dans une direction régionale. Mais l’international manquerait trop à Florence Verzelen. Elle rejoint Bruxelles et sa Commission Européenne. Dans un premier temps, sa formation et son champ de compétences la dirigent tout droit vers des dossiers techniques. Parmi ses souvenirs, elle retient les quotas textiles avec les Chinois. En apprenant leur langue qu’elle parle correctement. « Pour mieux les comprendre de l’intérieur et anticiper leurs façons de fonctionner ». Elle est comme ça la jeune Florence : un pays, une langue. C’est ainsi qu’outre l’anglais et l’allemand, elle peut s’exprimer aussi en arabe et en russe. En attendant d’apprendre ces deux autres langues lors de ses prochaines aventures, elle négocie ferme. « Il faut faire comme eux, ne rien lâcher ». L’idée étant de gagner du temps jusqu’à ce qu’ils montent en gamme et, dans le même temps, limiter la casse en Europe. Elle restera deux ans, se faisant les armes dans ce maelström bruxellois (aux vingt-sept nationalités à l’époque) qui la ravit chaque jour. Heureuse de la dynamique qu’imprime ce mélange de cultures si enrichissant.

Ensuite, nouveau baptême du feu et pas des moindres, la Direction générale de la Concurrence et les puissants lobbys qu’on ne peut affronter qu’avec « des flingues de concours », comme dirait Audiard. Le souvenir inoubliable pour Florence reste l’affrontement avec Microsoft, qu’elle réussit à faire plier : « je suis arrivée avec une partie de mon équipe et deux avocats spécialisés. En face ils ont débarqué avec une cinquantaine de lawyers ». Et ce n’était que le début de la bagarre puisqu’entre filatures, mises sur écoute et poubelles de la Commission fouillées par des avocats en costume sur-mesure, la firme de Redmond n’a pas pleuré les coups plus ou moins bas. Peine perdue, ils écoperont d’une amende d’un milliard et demi d’euros.

France, 2007. Un nouveau président arrive. Nicolas Sarkozy nomme Jean-Pierre Jouyet ministre des Affaires européennes. Il cherche une personne qui connaît bien le fonctionnement de la Commission européenne et Florence Verzelen est appelée auprès de lui. On lui confie l’Industrie, le Commerce et tous les autres sujets techniques. Au-delà de la chance de voir de l’intérieur comment fonctionne le pouvoir, elle retient le bonheur de « bosser avec une personnalité géniale ! ». Mais Jean-Pierre Jouyet quitte le gouvernement fin 2008, et sa collaboratrice aussi. Pour retourner au privé.

Quand on est X-Mines, le secteur de l‘Energie-Climat est un quasi ADN : « je voulais un secteur qui bouge en permanence et de dimension mondiale. Si j’ai choisi Gdf-Suez (devenue Engie depuis – NDLR), c’est parce qu’ils étaient les seuls à me proposer un poste opérationnel ».

Elle parcourt le monde, des USA à la Norvège en passant par l’Australie, en tant que patronne du business au département « Exploration-Production » ; là où l’on trouve les seigneurs-baroudeurs de la profession, et les risques qui vont avec. Puis, de 2010 à 2013 elle assume la direction générale du Qatar ; c’est comme ça qu’elle se met à l’arabe ! : « Les gens étaient attentionnés et très respectueux. Négocier avec une femme, blonde de surcroît, ils n’avaient pas l’habitude alors ils n’osaient pas être aussi durs avec moi que lors de leurs négociations entre hommes. J’ai fait des très bons deals » ajoute-t-elle dans un sourire malicieux. A cette période, elle est, par ailleurs, nommée « Young Global Leader » par le Forum économique mondial de Davos.

En 2015, outre le poste de Directrice-adjointe d’Engie Europe, on lui confie la direction générale pour la Russie, où elle se rend une semaine par mois. Alors elle apprend le russe. Là-bas, changement d’ambiance : « le rapport de forces était permanent et si vous cédiez, ils ne vous considéraient plus ». Mais quand on a fait plier Microsoft et ses petits surdoués de Harvard ou de Yale, on ne craint plus grand monde.

Pas étonnant, dès lors, qu’avec un tel parcours, elle soit vite repérée. Un jour un ami, cadre dirigeant chez Dassault Systèmes, lui demande si elle serait intéressée à les rejoindre pour remplacer un membre du Comex qui s’en va à la retraite. Elle ne dit pas non et, après ce premier rendez-vous, elle rencontre Bernard Charlès, le patron du groupe. A la fin de l’entretien, il estime que le poste prévu est sous-dimensionné pour elle et augmente le périmètre qu’il lui confie. C’est ainsi qu’elle est nommée Directrice Générale Adjointe de Dassault Systèmes, en charge de l’Industrie, du Marketing, des Affaires Internationales et de la Communication. Voilà maintenant trois ans qu’elle diffuse son énergie et son positivisme aux côtés de Bernard Charlès, classé parmi les cent patrons les plus performants par la « Harvard Business Revue ».