Ukraine : comment Moscou voit la suite
Quelle évaluation fait-on à Moscou de la situation en Ukraine trois ans et demi après le déclenchement de la guerre et quelle issue envisage-t-on ? Plus personne ou presque ne croit désormais à un règlement rapide : le conflit – perçu comme existentiel – devrait se poursuivre jusqu’en 2026 voire 2027. Les choses se décideront par les armes.
Contrairement à un avis très répandu en Occident, le Kremlin a pris au sérieux le « plan Trump », mais il a considéré que malgré des avancées majeures – notamment sur l’élargissement de l’OTAN, la Crimée et les sanctions – certaines de ses revendications clés (absence de troupes européennes, démilitarisation, etc.) n’étaient pas satisfaites et ne pouvaient l’être compte tenu du rapport de forces actuel sur le terrain.
La direction russe a par ailleurs intégré que la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne de Merz ne lâcheraient pas Zelensky mais elle doute que les Européens puissent se substituer aux Etats-Unis : le plan du Kremlin est donc de faire de la défaite militaire de l’Ukraine celle – politico-stratégique – de ses soutiens.
Les autres objectifs restent dans l’ensemble inchangés : statut neutre de l’Ukraine (en vigueur jusqu’aux événements de Maïdan en 2014), engagement à ne pas développer l’arme nucléaire et strict encadrement de ses armes offensives, acceptation – à défaut de reconnaissance – des nouvelles réalités territoriales.
L’actualité des autres exigences du Kremlin – statut de la langue russe, situation de l’Eglise orthodoxe ukrainienne rattachée au patriarcat de Moscou, signature de l’accord de paix par un dirigeants ukrainien à la légitimité incontestable (sous-entendu, pas par Zelensky) n’est pas claire.
Poutine a-t-il les moyens de ses ambitions ?
A ce stade, aucun scénario ne voit l’Ukraine dans une meilleure posture à l’avenir qu’aujourd’hui. Mais la capacité de la Russie à l’emporter de façon incontestable sur le champ de bataille à un prix et dans des délais acceptables par les élites et la population fait débat.
L’économie du pays, à la résilience surprenante depuis 2022, donne des signes d’essoufflement. L’effort de guerre semble soutenable à horizon de 18 mois, mais les perspectives sont plus incertaines au-delà.
Le système est sous contrôle et la société – bien qu’avide de paix – devrait continuer à ignorer la guerre. Au fond, la seule inconnue de l’équation est l’aptitude offensive de l’armée russe (peu convaincante jusqu’ici) au cours des prochains mois.
Qu’elle ne parvienne pas, d’ici à l’hiver, à bousculer son adversaire, et le Kremlin pourrait bien devoir changer son fusil d’épaule.