L’IA à la française se fera avec les territoires ou ne se fera pas
Qu’est-ce que Bletchley Park, Palo Alto et Shenzhen ont en commun ? Ce sont tous des lieux mythiques du progrès technologique… mais qui ne dépendent pas de la capitale de leur pays. Pourquoi la France ferait-elle exception ?
La Tech et l’IA à la française doivent-elles être forcément parisiennes ? Le Gouvernement a fait de l’IA une priorité, et à raison. Vu l’ampleur des enjeux, il n’est pas souhaitable de dépendre de data centres, d’algorithmes, et de serveurs totalement hors de notre contrôle. Mais il n’est pas non plus souhaitable que l’IA à la française implique une ultracentralisation des talents, des financements et des équipements digitaux dans la Région Ile-de-France.
Il ne s’agit pas de faire de l’anti-parisianisme primaire, mais de constater qu’un pays de 67 millions d’habitants a beaucoup plus de chances de réussir à prendre une place de choix dans la course mondiale de l’IA qu’une région de 12 millions d’habitants – aussi talentueuse soit-elle.
Parce que les territoires ont de l’espace
Parmi les 35 lieux identifiés par le Gouvernement en ce début d’année pour accueillir les plus grands data centers, essentiels au développement de l’IA, 28 sont hors d’Ile-de-France. La Région Hauts-de-France arrive d’ailleurs en tête, avec 8 sites disponibles.
Parce que les territoires ont des talents : la France forme autour de 48.000 ingénieurs par an, dont plus de 70% ne sont pas formés en Ile-de-France. Tant mieux pour ceux qui sortent des meilleures écoles parisiennes, mais ils sont très loin d’être les plus nombreux. Or, nous aurons besoin de très nombreux ingénieurs pour développer l’IA à la Française, mais aussi pour d’autres défis majeurs comme la réindustrialisation. A titre de comparaison : l’Inde forme chaque année… 1,5 million d’ingénieurs.
Parce que les territoires ont un formidable tissu économique : PME dynamiques, sites industriels qui embauchent, ETI qui s’internationalisent, et grands groupes aux nombreuses implantations locales.
Enfin, côté financement, si les capacités d’investissement des régions sont sous-dimensionnées par rapport à Paris, l’écosystème parisien apparaît lui aussi très modeste par rapport aux gigantesques fonds aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, au Moyen-Orient et en Asie. C’est donc un problème pour l’ensemble de l’écosystème français d’IA.
Oui, les entrepreneurs français de l’IA doivent se permettre de rêver en très grand. Mais si nous voulons viser la lune, commençons par ne pas rester bloqués au Boulevard Périphérique.