Caroline Poissonnier, codirectrice générale du groupe Baudelet : « Écoutez-vous, osez ralentir et faites de votre vie de leader une source d’épanouissement et de plaisir »
« Je devais retrouver mon alignement, mon énergie […] Ce qui bouillonnait en moi depuis l’adolescence, ce que j’avais profondément enfoui pour suivre la voie qui avait été tracée pour moi a soudainement refait surface… » Sur la scène de bpifrance, Caroline Poissonnier, explique comment l’aggiornamento de son ambition contrariée va contribuer à transcender l’entreprise familiale fondée par son grand-père. Ce spécialiste d’abord régional dans la valorisation de déchets, pépite des Hauts-de-France, est devenu récemment Groupe Baudelet, fort de quatre branches qui structurent l’activité : environnement, énergie, commerce et… bien-être.
Chiffre d’affaires : près de 200 millions d’euros, plus de 700 collaborateurs. Caroline est une femme d’action, une voix influente dans les réseaux économiques. Elle prône un leadership humain, éclairé, équilibré entre ambitions et équilibre personnel, pour un succès durable. Elle appelle les leaders à repenser leur approche de la réussite.
De Baudelet Environnement au groupe Baudelet, expliquez-nous la genèse de cette évolution et ce qu’elle représente en tant que dirigeante ?
Cette évolution est la résultante d’une prise de conscience et d’une volonté d’alignement de mon frère, Jean-Baptiste Poissonnier, et moi. Après quelques années de codirection générale, nous nous sommes rendu compte que nous n’avions envie d’aller ni au même endroit ni à la même vitesse.
Nous étions cependant certains de vouloir continuer ensemble l’aventure familiale. En optant pour la diversification, nous avons fait le choix de poursuivre les activités historiques – l’environnement et le commerce – et d’y ajouter nos personnalités et nos convictions en créant deux nouvelles branches d’activité qui faisaient sens pour nous – l’énergie et le bien-être.
La création de cette branche « Bien-être » est un choix audacieux et assumé qui reflète ma profonde conviction de l’émergence d’une nouvelle forme de leadership qui place l’équilibre et le bien-être au cœur de la performance individuelle et collective. Ces dernières années, la santé mentale des salariés est devenue une priorité pour les entreprises, révélant un enjeu essentiel pour le collectif. Mais qu’en est-il des dirigeants ? Leur bien-être est tout aussi crucial. Sans une bonne santé physique et mentale, comment peuvent-ils guider efficacement leurs équipes et leurs entreprises ? Il est temps de rappeler que prendre soin de soi est un acte de leadership. En tant que dirigeante, je suis fière de contribuer, à mon échelle, à l’éveil des consciences des leaders sur les enjeux de santé mentale.
Quels sont les impacts qu’une telle prise en compte va produire sur eux et sur leurs équipes ?
En plus de leur charge mentale personnelle, les dirigeants supportent souvent de lourdes responsabilités sur les épaules. Passionnés, ils ne comptent pas leurs heures et risquent d’avoir tendance à oublier l’essentiel : eux-mêmes ! Mais la vérité, c’est qu’un leader épuisé est un leader inefficace, qui n’inspire plus.
À mon sens, le bien-être est un levier puissant au service de la performance. Maintenir un équilibre mental et physique aide à maîtriser ses émotions, à prendre de meilleures décisions ou encore à se montrer plus agile et résilient face aux défis.
Et puis de retrouver du plaisir. Ce que j’appelle le « kiff » du leadership. Le plaisir est un autre moteur puissant car il nourrit l’énergie et l’enthousiasme au quotidien. C’est un cercle vertueux : l’équilibre et le bien-être du dirigeant rejaillissent sur toute l’entreprise. Prendre soin de soi, c’est pouvoir prendre soin des autres, et c’est toute la différence dans la construction d’une organisation durable et performante.
Quel conseil donneriez-vous à d’autres dirigeants pour préserver leur santé mentale et promouvoir un environnement de travail sain ?
Le premier conseil est simple : écoutez-vous ! Apprenez à identifier les signaux d’alerte, même faibles : une fatigue permanente, physique, mentale ou émotionnelle, des insomnies récurrentes, la prise ou la perte de poids soudaine et bien d’autres encore. S’ils sont là, ces signaux, ce n’est pas par hasard. Ils signalent qu’il est essentiel de faire une pause et surtout de prendre du recul pour réévaluer vos priorités et vos besoins, ce qui vous permettra de repartir avec une nouvelle énergie et une direction claire.
Ensuite, créez des routines pour prendre soin de vous. Dans mon cas, elles se traduisent par des microsiestes, des séances de sport régulières pour évacuer le stress et des moments de détente avec mes enfants ou mes proches. Ces pauses, même courtes, sont essentielles pour recharger mes batteries.
Enfin, faites du bien-être une priorité, pour vous et pour vos équipes. Vous verrez la transformation à l’œuvre, non seulement dans votre entreprise, mais aussi dans votre manière de vivre votre rôle de leader.
À titre personnel, comment parvenez vous à équilibrer responsabilités professionnelles et bien-être ? Y a-t-il des pratiques que vous recommandez ?
Je pense qu’il est d’abord crucial de rappeler que notre bien-être global englobe aussi nos activités professionnelles, et non pas de les voir comme séparées de notre épanouissement personnel.
Il s’agit moins d’équilibrer deux aspects distincts de notre vie que d’harmoniser l’ensemble pour véritablement « kiffer » chaque moment, qu’il soit professionnel ou personnel. Il y a mille petites choses à faire, mais j’essaie avant tout de me concentrer au quotidien sur le combo « alimentation, sommeil et mouvement » et de ménager des pauses régulières. Manger équilibré et sans excès, surveiller ma consommation d’alcool, dormir au moins 6 heures par nuit et pratiquer 30 minutes de sport quatre fois par semaine. Ces routines me donnent un meilleur équilibre et je gère mieux le stress et la pression. Trouvez ce qui vous plaît, votre moment idéal et arrêtez de culpabiliser !
Vous avez pris la parole en octobre de l’année dernière sur la scène du Bang, lors de l’événement phare organisé par bpifrance, BIG. Quel message souhaitiez-vous adresser aux dirigeants ?
J’avais sept minutes pour donner ma vision du progrès : l’écoute de soi et le plaisir de diriger.
Mon message était clair : « Écoutez-vous et kiffez votre vie de leader. » Diriger, ce n’est pas simplement atteindre des objectifs. C’est un chemin, parfois sinueux, mais qui doit avant tout refléter qui nous sommes.
J’ai invité les dirigeants à se recentrer sur eux-mêmes, à prendre soin de leur capital santé et à oser la vulnérabilité. Reconnaître ses limites, c’est aussi une force. C’est montrer aux équipes qu’il est possible d’être ambitieux tout en restant humain.
Mon message était un appel à incarner un leadership authentique et aligné. Écoutez-vous, osez faire des pauses régulières et faites de votre vie de leader un véritable plaisir. Car c’est là que réside la vraie performance durable.
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