Le futur du droit sera fédérateur ou dévastateur
Alors que les technologies redessinent en profondeur nos sociétés, le droit peine à suivre le rythme de l’innovation. Trop souvent exclues du dialogue réglementaire, les entreprises innovantes doivent pourtant y jouer un rôle central. Co-construire les règles de demain est devenu un enjeu stratégique majeur.
Plongée depuis de nombreuses années au cœur de l’innovation numérique et de son bouillonnement entrepreneurial, j’ai acquis deux convictions profondes. La première : le monde se transforme irrésistiblement grâce aux nouveaux acteurs et aux nouvelles technologies, seuls véritables catalyseurs d’une vision ambitieuse de l’avenir et affranchie des carcans d’antan. La seconde : ces mêmes acteurs sont incontournables pour réviser et inventer le futur du droit, afin qu’il demeure non seulement protecteur, mais aussi un levier stratégique d’innovation et de puissance économique.
Or trop souvent, les innovateurs négligent la réglementation existante, ou manquent l’opportunité de l’impulser quand elle fait défaut. Trop souvent, les acteurs traditionnels bénéficient d’une écoute privilégiée des pouvoirs publics, même lorsqu’ils ne sont ni experts ni directement concernés. Résultat : des règles inadaptées aux objectifs visés (protection des investisseurs, sécurité financière, lutte contre les abus de marché, etc.) et, plus gravement, néfastes aux enjeux fondamentaux que sont le maintien et le renforcement de notre autonomie stratégique, de notre compétitivité, de nos valeurs.
Les jeunes entrepreneur(e)s, comme les entreprises établies les plus visionnaires, doivent non seulement bâtir ce nouveau monde, mais aussi façonner sa réglementation. Le « lobbying » – faire valoir leurs intérêts, anticiper les débats, construire avec les pouvoirs publics l’environnement (business, législatif, fiscal) dans lequel ils innovent – est incontournable pour favoriser la croissance et la résilience d’une industrie. Seules garantes d’un droit pragmatique et réellement efficace.
Les pouvoirs publics ne peuvent logiquement pas être des experts de tous les sujets sur lesquels ils décident et légifèrent. Ce n’est d’ailleurs pas ce que l’on attend d’eux. Ils ont besoin et sont demandeurs d’être accompagnés par ceux qui seront impactés lorsqu’ils réfléchissent et élaborent les politiques publiques. Mais en leur absence, ils se tournent vers ceux qui se rendent disponibles : compétiteurs et détracteurs, pourfendeurs d’une réglementation souvent inadaptée, disproportionnée, précipitée. Faire l’économie d’un dialogue avec les acteurs légitimes est une faute stratégique.
Le droit n’est pas immuable : il est vivant, perfectible, et peut être façonné par tous ceux qui s’en saisissent. Former les décideurs publics, proposer des solutions concrètes et des améliorations utiles, faire entendre sa voix dès les prémices d’un texte sont autant de leviers d’influence déterminants. Grâce à une véritable stratégie d’affaires publiques et des ressources qualifiées. Grâce à un engagement actif dans des associations professionnelles.
L’avenir du monde appartient à l’innovation. Celui de la règlementation aussi. Le futur du droit doit donc être fédérateur ou sera dévastateur.
Cette tribune s’inscrit dans le prolongement du palmarès Choiseul Futur du droit 2025, accessible dans son intégralité sur le site de Choiseul France.