Des exportations de vaccins AstraZeneca bloquées par l’UE pour soutenir la stratégie de vaccination en Europe

Le 26 février l’Italie a fait part de sa décision de bloquer l’exportation de vaccins anti-Covid19, produits sur son sol et à destination de l’Australie. Sa position a été soutenue par l’Union Européenne, une première dans ce combat stratégique pour les campagnes de vaccination à travers le monde. Et une position que la France n’exclut pas de prendre pour elle-même.

Depuis fin janvier, la Commission à Bruxelles permet aux vingt-sept États membres de contraindre les exportations de vaccins produits dans l’Union Européenne. Ce contrôle se fait via les douanes nationales : chaque État est invité à examiner les demandes d’autorisations à l’exportation de vaccins manufacturés sur son sol. Si le contrôle est national, la décision doit ensuite faire l’objet d’une étude par la Commission européenne. Cette disposition n’avait encore jamais été exploitée jusqu’au 26 février, lorsque l’Italie a annoncé sa volonté de bloquer l’exportation de vaccins AstraZeneca à destination de l’Australie. La Commission européenne, qui « tient à jour un tableau des demandes d’exportation de vaccins anti-Covid et des engagements correspondants » des laboratoires suivant les accords et les contrats de précommandes signés par l’Union Européenne, n’a alors pas émis d’objection à cette décision.

Le mécanisme a eu un effet immédiat. C’est la première fois que le dispositif est utilisé : il a ainsi bloqué 250 700 doses de vaccins anti-Covid19. Les arguments qui ont permis l’exécution de la décision sont clairs. En effet, les pénuries de vaccins et les retards d’approvisionnement dont sont victimes l’Union européenne et en particulier l’Italie, sont largement associés à la responsabilité individuelle du laboratoire AstraZeneca. De plus, les doses bloquées constituaient une quantité très importante et étaient adressées à l’Australie, un pays dit « non vulnérable » face à la pandémie. Le laboratoire suédo-britannique AstraZeneca avait déjà fait l’objet de vives critiques par l’Union Européenne, puisqu’en janvier déjà, il n’était en mesure de distribuer qu’un tiers seulement des 120 millions de doses promises. 

Une stratégie européenne qui fait autorité

La décision italienne, permise par la Commission européenne, fait autant pression sur les laboratoires qu’elle vise à faire preuve d’exemple pour les autres pays de l’Union. En effet, l’Italie qui a lancé sa campagne de vaccination fin décembre, était habituée aux critiques, en partie à cause des lourds retards de livraisons. Ainsi cette preuve de fermeté envers le laboratoire AstraZeneca, est une piqûre de rappel des engagements émis par les différents fabricants de vaccins envers les pays de l’Union Européenne.

Du côté de l’Australie, victime collatérale de cette décision, vendredi, le ministère des Affaires étrangères a minimisé les conséquences sur le plan de vaccination national, en affirmant que cette livraison ne représentait “qu’une seule cargaison venant d’un seul pays ». Le pays, relativement peu touché par la crise sanitaire, a déjà reçu 300 000 doses, ainsi qu’une livraison Pfizer, qui permettront à tous de patienter jusqu’à ce que la production locale de vaccins AstraZeneca n’augmente. La fabrication de 50 millions de doses est envisagée sur le sol australien.

Cet événement a aussi fait écho en Europe, puisqu’Olivier Véran, le ministre français de la Santé, a également déclaré comprendre la décision italienne en affirmant que la France pourrait “faire la même chose”. Il a justifié sa position en expliquant que : “Nous croyons en une approche européenne… La France a le droit de parler à ses voisins européens pour s’assurer que les laboratoires respectent leurs engagements et leurs contrats. Cela me semble être du bon sens.” A défaut de disposer d’une base industrielle suffisante pour développer des produits aussi essentiels que stratégiques, les pays de l’Union Européenne semblent donc prêts à utiliser toutes les armes dont ils disposent pour assurer un niveau minimal de fourniture de leurs populations. Un changement de paradigme qui pourrait s’étendre à d’autres secteurs et inspirer une nouvelle posture à Bruxelles ?