Le spécialiste de la vision nocturne Photonis restera bien français en raison de ses intérêts stratégiques et de souveraineté

Le holding d’investissement de Jean-Bernard Lafonta, HLD, a mis la main sur la pépite tricolore spécialisée dans la vision nocturne, après plus d’un an d’incertitudes. Photonis restera finalement dans le giron français, comme l’avait espéré le ministère des Armées qui avait opposé son véto fin 2020 à l’offre de rachat présentée par l’américain Teledyne.

« À l’heure où l’Europe doit construire son autonomie stratégique, il serait paradoxal de voir passer sous pavillon américain une entreprise qui fournit des capacités critiques aux forces armées » avait déclaré en mars dernier Christian Cambon (Les Républicains – Val de Marne), Président de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat. L’offre avait en effet soulevé la question de la souveraineté industrielle et de la protection des actifs stratégiques à long terme de la pépite française.

Enjeux de souveraineté économique et industrielle française

Au grand soulagement du ministère des Armées, c’est à la holding d’investissement dirigée par Jean-Bernard Lafonta que reviendra Photonis. En tant qu’investisseur à long terme, le repreneur a mis sur la table toutes les garanties qu’espérait l’Etat. Le fonds Ardian a ainsi cédé la totalité du spécialiste de la vision nocturne à HLD pour un montant qui s’élève à près de 370 millions d’euros. Les 130 millions d’euros supplémentaires proposés par l’Américain Teledyne ne sont pas parvenus à faire la différence. La question de la souveraineté économique et industrielle, bien trop importante, a ainsi pesé pour beaucoup dans la balance, dépassant les simples intérêts financiers.  “Une très bonne nouvelle”, estime la ministre des Armées, Florence Parly, qui s’est “impliquée personnellement” dans ce dossier. L’Observatoire de l’intelligence économique français y voit le début d’une nouvelle période plus offensive dans la protection des intérêts stratégiques français en matière d’industrie de défense.

 

Pour l’Observatoire de l’intelligence économique français, « l’annonce du rachat de Photonis de par la holding d’investissement européenne HLD est une excellente nouvelle. La mobilisation du gouvernement et des acteurs financiers français a permis la préservation d’un actif stratégique essentiel à la souveraineté technologique de la France ».

Quand bien même le véto déposé par la France a limité les options de revente et diminué le prix de Photonis, “l’offre de Teledyne prenait en compte les synergies attendues avec ses propres activités de vision nocturne”, assure un proche du dossier, qui précise que le groupe HLD s’écarte au contraire de cette position. Une position qui a reçu les faveurs de l’Etat, alors même que le holding d’investissements français n’a encore formulé aucun engagement. 

HLD se renforce dans le secteur de la défense

Grâce à cette transaction, HLD ajoutera à son arc industriel une seconde flèche dans le secteur de l’armement. Le groupe avait déjà pris les rênes de Rafaut, spécialisé dans les systèmes d’emports d’armements et de charge des avions de combat et concepteur de commandes de vol et équipements mécaniques spéciaux à destination des avions de lignes et des hélicoptères. La société d’investissement HLD se singularise dans le paysage du private equity par un modèle unique. Celle-ci repose en effet sur des capitaux familiaux permanents exclusivement européens et ses investissements se font sans contrainte de durée.

Leader mondial sur le marché de la vision nocturne aux côtés de deux autres acteurs américains, Photonis propose des technologies de pointe et dispose d’un savoir-faire inégalé pour l’armée de terre française. Le groupe est présent en France, aux Pays-Bas et aux Etats-Unis et exporte dans cinquante pays. Jean-Hubert Vial, associé chez HLD, estime que le spécialiste de la vision nocturne possède “un important potentiel de croissance, via des acquisitions externes dans le milieu militaire et le civil (domaine médical ou le contrôle industriel) et le développement de la R&D pour concevoir de nouveaux produits”. En se rapprochant du holding, Photonis espère doubler ses ventes d’ici 2026 pour atteindre 150 millions d’euros.