Quelle direction pour la politique de Biden au Moyen Orient ?

Véritable virage ou simple réajustement, la politique de Joe Biden au Moyen-Orient ne ressemblera pas exactement à celle de son prédécesseur, qui a pu se montrer très favorable et concilient avec les pétromonarchies du Golfe en termes de respect des droits de l’Homme, l’Arabie Saoudite en tête. Si l’on peut pressentir quelques évolutions notamment avec la suspension de la vente d’armes, il apparaît peu probable que les Etats-Unis bouleversent leur stratégie dans la région.

La possible fin d’un soutien inconditionnel de Washington à l’Arabie Saoudite dans son intervention menée au Yemen témoigne de la volonté de rééquilibrage de la diplomatie américaine dans la région, mais soulève également  la question du maintien des acquis diplomatiques de Donald Trump.

La fin du soutien des Etats Unis envers son allié saoudien dans ses opérations au Yemen

Joe Biden et son chef de la diplomatie Antony Blinken semblent bien décidés à mettre un frein au soutien des Etats Unis dans la coalition menée contre les rebelles Houtis au Yemen en interrompant les ventes d’armes en cours, et en particulier celle de 50 chasseurs furtifs F-35 promis aux Emirats Arabes Unis. L’intervention de l’Arabie Saoudite et des Emirats dans ce pays déchiré par la guerre civile s’est en effet soldé par la poursuite d’un véritable désastre humanitaire auquel la nouvelle administration américaine souhaite mettre un terme rapidement.

Les Etats Unis vont notamment retirer les rebelles Houtis de la liste noire américaine des organisations terroristes, décision qui avait grandement entravé l’arrivée du soutien humanitaire pour venir en aide aux millions de Yéménites qui en dépendent. Autre sujet de contrariété  pour l’héritier saoudien Mohamed Ben Salmane, la déclassification du dossier sur l’assassinat du journaliste Jamal Kashoggi en 2018 pourrait également jeter un froid sur les relations entre les deux pays.  Toutefois, ces décisions ne signifient en rien la fin de l’étroite collaboration entre Washington et Riyad, l’Arabie Saoudite restera bien « le point d’ancrage » des Etats Unis dans la région selon Denis Bauchard, conseiller pour le Moyen-Orient à l’Institut français des relations internationales comme l’atteste la volonté américaine d’ouverture de nouvelles bases militaires sur le sol saoudien.

Le difficile défi du compromis pour l’administration Biden

Essayant en quelque sorte de réaliser une synthèse des succès de ses prédécesseurs dans la région, Joe Biden tentera de sauver ce qui peut l’être de l’accord sur le nucléaire iranien de 2015, rompu en 2018 par Donald Trump qui jugeait les garanties trop faibles, tout en conservant les récents acquis diplomatiques notamment en matière de normalisation des relations des pays arabes avec Israel.

Pourtant, en dépit des déclarations d’Antony Blinken affirmant au sujet de l’accord sur le nucléaire que, si l’Iran respectait à nouveau ses engagements, les Etats Unis en feraient de même, il est peu probable que les changements nombreux de la position américaine ces dernières années inspirent confiance à la République Islamique pour renoncer à son programme atomique. Des discussions ont eu lieu entre les différents représentants des diplomaties britanniques, française et allemandes, très attachées à l’accord, pour établir des pistes de résolution de cette impasse. De même, le refus des Etats Unis de livrer les avions de chasses commandés par les Emirats pourrait jeter un froid sur la nouvelle et fragile relation que le pays vient de nouer avec Israël en échange notamment des 50 F35. L’administration américaine aura donc fort à faire pour relever pour concilier l’ensemble de ses objectifs au Moyen Orient.