Déconstruire les illusions de l’inclusivité – Diana Brondel

L’élection de Joe Biden, le 7 novembre dernier, aura presque été éclipsée par l’arrivée de sa colistière Kamala Harris, au rang de vice-présidente des États-Unis. Une première pour une femme, de surcroît issue d’une minorité, incarnant une vague d’optimisme pour la communauté afro-asiatico-américaine, célébrée par les médias occidentaux comme un signe tangible de progrès dans la représentation des minorités aux places de pouvoir. Ne serait-elle pas in fine un outil de représentativité en trompe l’œil, nous servant de feel good factor pour nous rasséréner sur le fait que nous habitons un monde inclusif. Pour autant, que peut-on réellement tirer de cet évènement ?

Plusieurs questions en suspens : à l’instar de la planète entière, j’avais salué l’élection puis la réélection de Barack Obama à la tête des États-Unis comme un signe de progressisme. Force est néanmoins de constater que les actualités récentes auxquelles nous avons fait face démontrent – malheureusement- qu’un président « afro américain » ne suffit pas pour faire avancer une/des société(s) que nous projetons, à laquelle nous aspirons mais que nous n’arrivons pas collectivement à incarner.

Dans des environnements et des continents sur lesquels les réformes structurelles ne sont pas exécutées au bon rythme, quelles sont nos responsabilités ?

L’inclusivité : sujet sociétal ou statu quo non assumé ?

À y regarder de plus près, les avancées apparentes sur l’inclusivité relèvent principalement de la mise en avant de quelques cas particuliers, qui feront l’objet d’un engouement médiatique momentané mais pas nécessairement d’une reconnaissance, d’une acceptation et d’une feuille de route pour corriger les biais « profonds » qui imprègnent notre société.

Les exemples de réussite sont multiples et même si nous pensons à Isabelle Kocher, Elisabeth Moreno ou encore Tidjane Thiam, lorsque nous cherchons des role models actuels et récents auxquels se référer, il y a toute une génération de profils issus de toute sorte de diversité aux parcours exemplaires, admiratifs et qui pourraient en inspirer plus d’un.

Plutôt que de constituer un indicateur de progrès, je me demande si ces modèles de réussite n’auraient pas plutôt pour conséquence pernicieuse de donner l’impression que l’ascension aux plus hautes sphères, tant au niveau politique que civil, demeure possible mais relèverait d’une notion galvaudée du « mérite ».

Or au contraire, la réalité démontre « Oh combien ! », il est difficile pour ceux qui s’y sont frottés de durer, incarner et prendre place à table sur le temps long.

La solidarité en question : charité bien ordonnée commence par soi-même…malheureusement encore et toujours.

En dehors des causes « externes » liées aux difficultés d’intégration des représentants des minorités dans les sphères du pouvoir évoquées précédemment, il me paraît également important d’identifier les causes « internes ».

Qui de mieux placé pour promouvoir la représentation des minorités que les représentants de ces mêmes minorités, disposant de l’influence nécessaire ? En tant que modèles et exemples, on pourrait considérer comme notre devoir collectif d’œuvrer pour que les cas particuliers que sont les nôtres arrêtent d’en être pour normaliser l’accession au pouvoir et aux cercles d’influences indépendamment de considérations de genre, sexe, d’origine ou croyances.

Dans le monde dans lequel je souhaite vivre et dans lequel je souhaite que mes enfants grandissent, ne devraient prévaloir que la compétence et l’adéquation entre un besoin exprimé par une entreprise, un organisme et les profils proposés.

Mais que faire concrètement ?

Le constat est le suivant : la progression en trompe-l’œil de l’inclusivité est liée d’abord à l’extrapolation de cas particuliers de réussite médiatisés et ensuite, à la croyance non démontrée que le progrès viendra de ces individus, grâce à un principe de solidarité. Une fois passé le temps des illusions, il convient de citer plusieurs pistes qui permettraient de réaliser des progrès pérennes sur la diversité et la représentation des minorités. Cette liste vise à mettre en évidence quelques principes, qui selon moi, peuvent amener à des résultats tangibles et durables :

  • Promouvoir la solidarité par le mentoring, sous forme individuelle ou collective, de manière à créer un tissu d’influence et d’entre-aide à grande échelle.
  • Favoriser l’émergence de réseaux de financements pour accompagner les initiatives issues de la diversité et améliorer la représentativité dans le monde de l’entrepreneuriat.
  • Élaborer des stratégies éducatives pour permettre (1) la diffusion de « codes » favorisant l’intégration par l’acquisition d’un socle culturel commun et (2), pousser l’engagement des uns et des autres, dans les affaires publiques.

Tout ceci parce que nous aspirons à une société inclusive !