Les tensions entre Grèce et Turquie se poursuivent en Méditerranée Orientale

Depuis plusieurs semaines, la zone maritime située autour de l’île de Kastellórizo fait l’objet de convoitises de la part de la Turquie, déjà engagée dans une démarche expansionniste sur plusieurs fronts sous l’impulsion de son président nationaliste Recep Tayyip Erdogan. Dans quelle mesure cette minuscule île de Méditerranée orientale est-elle source de si grandes tensions aux portes de l’Europe ?

Au même titre que l’Angleterre ou l’Allemagne ont pu l’être un temps pour la France, la Turquie apparaît encore aujourd’hui pour la Grèce une menace et une source multiséculaire de conflits. La querelle qui persiste depuis désormais plusieurs semaines entre les deux Etats séparé par la mer Egée est ancienne et profondément ancrée dans l’identité nationale des deux pays.

La Grèce et la Turquie : ennemis héréditaires

A l’époque de l’Empire Ottoman, la Grèce était entièrement sous domination turque. Ce pouvoir, qui a tenu durant plus de quatre siècles, n’a pris fin qu’avec l’accession du pays à l’indépendance en 1830 dans le cadre d’une guerre de libération et d’un mouvement de sympathie philhellène qui avait submergé l’Europe. Depuis, au fil des guerres et des traités successifs, la Grèce est parvenue à reprendre en main des territoires (et en particulier des îles) occupées depuis l’Antiquité par des populations grecques, suivant le principe de la « Grande Idée », expression de la doctrine irrédentiste grecque.

A tel point qu’aujourd’hui, à l’exception de Chypre, la Grèce occupe la majorité des îles de Méditerranée orientale, y compris celle situées seulement à une poignée de kilomètres et visible à l’oeil nu des côtes anatoliennes, ce qui représente une importante source de tensions entre les deux pays et constitue l’origine de la crise qui fait vaciller la paix aux portes de l’Europe.

Tensions géostratégiques et nationalisme

Les deux pays, pourtant alliés dans le cadre de l’OTAN, se livrent un jeu dangereux de provocations et démonstrations de force depuis plusieurs années pour la domination d’îlots, source du contrôle des eaux territoriales environnantes et des précieuses ressources qu’elles renferment. Alors qu’un conflit entre Athènes et Ankara avait déjà été évité à deux reprises en 1987 et 1996, les tenions ont de nouveau atteint aujourd’hui un point critique. En effet, l’île de Kastellórizo, grande de seulement 9 kilomètres carrés et située à moins de 3 kilomètres des côtes turques cristallise les tensions.

En vertu du droit international, et ce bien que l’ilot soit situé à plus de 500 kilomètres de la Grèce continentale, la souveraineté d’Athènes sur ce territoire lui confère le droit, en théorie exclusif, d’exploiter les riches ressources en hydrocarbures dont il dispose aux alentours sur son plateau continental. Toutefois, la Turquie, considérant que la souveraineté grecque sur ce territoire ne suffit pas pour lui conférer la mainmise sur les ressources avoisinantes, a décidé le lancement de recherches gazières pour, elle aussi, pouvoir tirer profit de « l’or bleu ».

Faisant fi des appels au calme de la communauté internationale et en particulier de l’Allemagne, la Turquie poursuit son entreprise d’exploration pendant que la Grèce de son côté a annoncé le recrutement de 15 000 soldats ainsi que la commande de 18 Rafales, quatre frégates et quatre hélicoptères de combat à la France. Cette dernière fait de son côté bloc avec la Grèce et vient de signer un partenariat de sécurité stratégique avec Athènes afin de poser des limites aux velléités expansionnistes du Président Erdogan. Alors que la Turquie est présente sur de multiples fronts (Syrie, Libye, Arménie), les prochaines semaines seront décisives pour tenter d’atteindre un compromis satisfaisant et engager la désescalade des tensions.